Portés disparus (Feat Ronald)

Depuis la soirée, Ron était revenu ici tous les soirs. Ou presque. Plusieurs fois, il avait dû s'occuper de ses soeurs. Sa mère s'était remise à boire et à rester couché à longueur de journée. Il fallait dire que les affaires de disparition la choquaient à chaque fois. Tous les ans, il y en avait une ou deux, et à chaque fois, elle replongeait. C'était toujours moche de la voir ainsi, surtout lorsqu'elle semblait retrouver du poil de la bête. Heureusement, elle n'était pas violente. Sa dépression la rendait plutôt terriblement faible. Elle semblait disparaître aux yeux du monde et ne devenir qu'un petit bout de chair recroquevillé.

Il était toujours dur d'expliquer aux filles pourquoi leur mère se comportait ainsi. Pourquoi Ron allait les chercher à l'école et pourquoi il leur faisait à manger, les bordaient et les accompagnaient au lit. Leur frère faisait mine que cette situation était normale. Mais les filles n'étaient pas dupes. Bien au contraire, elles étaient intelligentes. Elles avaient vécu suffisamment cette situation pour comprendre que ce n'était pas normal.

C'était aussi pour cela qu'il se rendait à l'hôtel. Depuis deux mois, il avait perdu tout espoir de retrouver les disparus. Mais venir ici à dos de Doduo, c'était un échappatoire. Il avait de la chance que les voisins l'aident. Tous les jours, il se rendait à l'usine de PokeBall faire ce stupide travail à la chaîne. Il observait les morceaux de sphères passer devant lui. Il devait les observer avec attention, à l'affût du moindre petit défaut dans les composants. Il y en avait beaucoup, et la moindre imperfection pouvait influer sur le taux de capture d'un Pokémon. Malgré l'importance de ce travail, il n'y avait pas plus ennuyant. Les heures se divisaient en longues, très longues minutes. L'heure sur l'horloge semblait rester immobile. Par chance, il n'y avait pas une treizième heure comme sur l'horloge de la ville. Le tour de cadran n'en aurait été que plus long.

Savoir qu'il devait ensuite jouet le parent était une pression terrible. A le rendre presque fou. Il ne remercierais jamais assez les voisins pour lui permettre d'avoir un semblant de vie. Ces heures de liberté, depuis la disparition, il les passait à errer autour de ce vieil hôtel.

Il avait vu passer les policiers. Ils étaient entrés et sortis plusieurs fois de suite. Ce fut les familles des victimes qui furent ensuite de la partie. Ils espéraient trouver ce que les autorités n'avaient pas vu. En vain. Les visites se faisaient de plus en plus rare, jusqu'à ce que l'hôtel soit de nouveau devenu un lieu désert et macabre. Son seul visiteur n'était autre que Ronald qui, jamais, ne franchissait le seuil de cet endroit. De toutes façons, ce lieu avait fini par être fermé au public, pour des raisons évidentes de sécurité. A voir jusque quand cette interdiction perdurerait.

C'était parce qu'il était habitué à ne voir personne dans les environs, qu'il l'a vu immédiatement. Une femme brune, plutôt mignonne. Il l'observa de loin. Il comprit bien vite qu'elle était intéressée par l'hôtel. Ron fit une légère tape à son Doduo sur lequel il était perché. L'oiseau s'approcha de la femme. Ses grandes pattes chassaient les feuilles mortes sur son passage, révélant immédiatement son approche à Eva. Une fois à proximité, Ronald lui dit calmement avec un sourire poli :

"Je serais toi, je ne m'approcherais pas de cet endroit. Ce bâtiment n'est pas net.".

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Eva était probablement connue, mais Ron n'avait jamais entendu parler d'elle. Il fallait dire que contrairement à Unys où la jeune femme était une star, elle restait inconnue à Kalos. Seuls les fervents lecteurs des journaux internationaux devaient avoir entendu parler d'elle. Néanmoins, elle commençait malgré elle à faire parler d'elle. N'avait-elle pas déjà sauvée deux villes à elle toute seule. Les rumeurs commençaient à se répandre comme une traînée de poudre.

"Tu veux dire les cinq disparus ?"

Fit Ron surpris que cette femme soit un agent de police international. Il n'en avait jamais vu jusqu'ici.

"On ne voit jamais d'agents comme toi dans le coin. A croire qu'il fallait que des gens d'Illumis disparaissent pour qu'on s'intéresse à notre cas."

Dans sa voix sonnait presque un reproche. Il s'était habitué à ce que les autorités abandonnent vite lorsqu'une disparition avait lieu à Romant-sous-Bois. Il n'y avait jamais de piste. Les gens disparaissaient sans laisser de traces. C'est ce qu'il s'était passé pour son père.

Il descendit de son Doduo. Galant, il souhaitait se mettre à la hauteur d'Eva pour lui parler. Les deux têtes de Doduo toisaient curieusement les Pokemon de la policière. Ron dépassait encore de taille Eva. Mais cela était plus confortable pour discuter tous les deux. Eva lui demanda s'il avait participé à cette fête. Ronald la regarda dans les yeux. Il devait être son seul témoin à ce moment, ou sa seule piste. La policière déchanterait vite.

"J'y étais ouais. Il y avait pas mal de monde, et la fête a eu du succès. Il y a eu beaucoup d'alcool et de musique. Mais à vrai dire, ici, il n'y a pas de voisins à déranger."

Il laissa de côté sa propre aventure dans les couloirs de l'hôtel. Cela ne semblait pas lié à toute cette histoire.

"Ce n'est que le lendemain que les disparitions ont été signalées. Laisse-moi deviner... Ceux que tu cherches, ils sont tous les trois de la grande ville, c'est bien ça ?"

Il connaissait déjà la réponse. Contrairement à la police de sa ville, seuls ceux d'Illumis s'efforçaient de résoudre l'enquête. Ils avaient fouillés les dossiers et remarqués les dizaines de disparitions sur les décennies précédentes. Ce n'était que présomption, mais si toutes ces affaires étaient liées, alors c'était un cas à donner à la police international.

Eva lui plaisait. Parce que Ron, bien qu'il cherchait à s'accrocher à un maigre espoir en venant tous les jours ici, avait abandonné depuis longtemps. Ces gens seraient oubliés, classés dans un dossier mis au placard, faute d'indices. Beaucoup d'habitants de Romant-sous-Bois étaient ainsi. Les choses étranges qu'il se passait dans les environs étaient considérés comme irrévocable. Cela arrivait, et chaque famille espérait y échapper. Des précautions étaient prises bien entendu. Mais il y avait toujours les enfants, ou les adolescents pour désobéir. C'était ce qu'il s'était passé à Halloween.

Eva n'était ou ne serait pas d'accord avec cette mentalité. Elle avait foi en sa force et en ses capacités d'enquêtrice. Sa manière de parler franche et sûre d'elle donnait envie de la suivre. Ron n'était pas habitué à voir quelqu'un comme elle : pleine d'espoir et de volonté.

"Ça fait plaisir à entendre. Si je peux t'aider."

Lui fit-il avec un franc sourire. Eva était-elle celle qu'il avait attendu en venant tous les jours ici ? Quelqu'un qui lui permettrait d'agir. Si ce n'était pas le destin, qu'était-ce ?

Eva commença l'enquête par les bases. Des questions, savoir par où commencer. Ronald fit au mieux pour l'aider. Mais il n'avait pas tant d'informations.

"Tout le monde se connait de près ou de loin à Romant-sous-Bois. Mais ils n'étaient pas de ma bande. Ils s'appelaient Jules et Marianne. Deux amis venus faire la fête. Je ne leur ai pas parlé. J'étais avec mes potes et j'ai parlé à d'autres gens. Mais rien qui ne pourrait vous aider."

Souhaitant ne pas faire perdre de temps à Eva, Ron enchaîna :

"Mes potes n'ont plus ne savent rien. Comme je vous disais, personne n'a été capable de témoigner. Tout le monde faisait la fête, et au moment de partir. Ils n'étaient plus là. De plus, avec l'alcool et la fatigue, je pense que leurs propres amis n'ont pas dû s'inquiéter de leur absence. Peut être voulaient-ils de l'intimité ou quoi que ce soit."

Comme Ron l'expliquait, les autorités de Kalos pataugeaient. Aucun témoin, aucun indice. Eva avait reçu une sacrée affaire sur les bras. C'était bien différent d'une intoxication alimentaire en plein milieu de Volucité. Mais comme elle l'avait découvert, c'était en grattant que la vérité avait éclaté. Et quelle vérité !

La policière aborda la question des disparitions. Ron sous-entendait fortement que ce n'était pas un cas à part. Son visage s'assombrit. Parler de disparition lui remémorait de sombres souvenirs. Il était rare de trouver un citoyen de Romant-sous-Bois qui n'avait pas souffert de ses mystères.

"Ne jamais aller dans la laie Romant-sous-Bois, tu finiras mangé. C'est une vieille légende pour gosses. Malheureusement, c'est vrai. Les bois qui entourent la ville sont maudits. Tous les ans un gosse s'y perd, quelqu'un s'y noie ou comme certains disent : les hommes brisés y vont s'y perdre pour mourir."

Plus Ronald parlait, et plus il laissait entendre que cette ville rougeâtre n'était pas si charmante. Le garçon ne le dit pas, mais ce qu'il avait dit à propos des adultes, ce fut ce qu'il croyait. Il avait fini par accepter une vérité dans laquelle son père avait mis fin à ses jours en se perdant au fond des bois.

Eva ne semblait pas avoir compris. Les bois étaient dangereux. Pourtant, elle était décidée à foncer tête baissée. Ou du moins, à se jeter dans la gueule du loup. Ronald la regarda d'un œil incrédule. Puis, il comprit qu'elle était sérieuse. Il ne tenta pas de lui faire changer d'avis. Il avait compris qu'elle était le genre de femmes à ne pas s'arrêter. Elle lui demanda d'être son guide, mais lui accorda le droit de refuser. Ron hésita, puis lui fit un sourire avant de s'en retourner vers son Doduo.

"Je connais un peu ces bois. J'allais y jouer quand j'étais gamin ... Comme quoi les gosses n'écoutent jamais."

C'était un petit aveu. Il fallait avouer que toutes ces légendes et mystères avaient de quoi attiser la curiosité des enfants. Beaucoup osaient affronter le danger et les superstitions pour jouer dans les bois. Ronald n'avait pas fait exception. Il avait fini d'escalader son oiseau quand Eva se présenta enfin. Le garçon lui répondit, toujours avec le sourire :

"Enchanté Eva. Moi c'est Ronald. Mais tu peux m'appeler Ron."

Il se pencha pour lui serrer la main. Il était ravi d'avoir rencontrer cette femme. Pour la première fois depuis longtemps. Il avait retrouvé l'espoir de retrouver les disparus. Un peu plus, et il oserait croire qu'il allait savoir ce qui était arrivé à son père.

Modération SVP :
Eva, j'ouvre un nouveau topic sur la route adjacente ;)