Concours de chasse

La nature fait les hommes semblables, la vie les rend différents.
Confucius




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L' été et ses journées insolentes de soleil. Trente les détestaient. Son enfance passée dans le froid de Frimapic ne le rendait pas spécialement adepte des chauds après-midi. Mais, pour une fois, un tel temps allait démontrer toute son utilité. Car oui, une fois de plus, la petite recrue avait décidé de se passer de l'aval d'un supérieur indolent pour monter un coup supplémentaire. A l'origine, une simple affiche placardée négligemment sur les murs de la gare de Doublonville : venez au grand concours de chasse Pokémon de Parmanie à Kanto ! C'était en gros ce que l'on pouvait y lire. L'esprit de Trente Xolotl, lui, avait préféré y lire quelque chose du genre : open bar sur les Pokémon rares, venez refaire le plein pour une armée mal en point ! Une occasion telle que seul le destin pouvait vous en envoyer.

En bonne Rocket, Nadie avait rechigné à la tâche : les déguisements, les précautions, les chicayas... C'était pas son truc, à elle. Foncer dans le tas, mitrailler dans la masse : ça c'était la méthode Rocket ! L'agent Gemini et ses plans à la mord-moi-le-noeud la déconcertaient chaque fois davantage. La jeune femme ne comprenait pas pourquoi ce fou furieux passait son temps à épier les conversations, trafiquer des ordinateurs et tenter de dérober en douce ce qu'elle aurait pu prendre avec un coup de poing dans la figure. Seulement, Nadie était sans doute la seule à Doublonville à savoir très précisément ce qu'il en coûtait de décevoir la brindille blafarde. Et puis... Elle avait une dette. Une fichue dette de vie, rien que ça ! L'autre n'allait pas la lâcher tant qu'elle n'aurait pas agi pour son compte. Car oui, Nadie n'était pas dupe au point de ne pas l'avoir compris après tant de mois : plus que pour les Rocket, c'était bien pour sa propre trogne que l'intello de service bossait avec tant d’acharnement. Aucune loyauté ne pouvait affecter ce genre d'individu, elle en était certaine.


" J'ai l'air de quoi ? "

Nadie lui lança un regard torve par-dessus la table. En face d'elle, la brindille blonde avait maintenant laissé place à une sorte de vieil adolescent un peu niais, habillé plus ou moins selon une mode de quelques années d'âge et afublé d'une casquette passe-partout. Même si elle n'avait pas d'attrait particulier pour le psychopathe qu'était Trente, elle devait avoué que ce grimage lui plaisait encore moins. Rien ne lui faisait plus horreur que ces morveux gazouillants aux chaussures de marque à peine entamées par de soit-disant longues marches.

" D'un parfait crétin. " grogna-t-elle.

Une seconde de silence, et Xolotl éclata de rire. Il - car c'était aujourd'hui un il assez net - paraissait sincèrement amusé de la réaction dédaigneuse de son binôme.

" Nickel ! C'est exactement l'effet recherché ! Allez, en route ! Le concours commence cet après-midi. On a de la route à faire, jusqu'à Parmanie. "

" Je suis vraiment obligée de porter une robe ?

-Bien sûr ! On t'a vraiment rien appris sur le désilhouettage, dans ce trou ?!

-Le quoi ?

-Laisse tomber. Et essaye de pas l'abîmer : pour ton information, ces nouvelles fringues m'ont coûté toute ma paie. Ok ? "

Avec un soupir de lassitude et un coup d’œil au plafond, Trente chargea son sac sur l'épaule et sortit. Il faisait déjà très chaud dehors.


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" Eh bah. Nous y voilà ! "

Parmanie. Après avoir pris le train magnétique jusqu'à Safrania, les Rockets avaient dû rallier la ville par la longue route cyclable. Nadie n'avait pas apprécié, et l'argument de Trente selon lequel sentir la sueur donnait une crédibilité sans faille à leur identité de dresseurs vagabonds ne l'avait pas convaincue.

" Mh pff... C'pas trop tôt...! On aurait dû prendre le bus punaise, j'en peux plus moi ! "

" Arrête un peu de te plaindre : tu vas pouvoir ramasser des brassées entière de Pokémon tout frais... et gratis en plus ! Que demande le peuple ! "

Les deux jeunes dresseurs quittèrent le centre-ville de la truculente Parmanie pour suivre les panneaux qui indiquaient l'évènement. Direction le célèbre Parc Pokémon de la ville ! Intérieurement, Trente jubilait : c'était une véritable invitation. Le meilleur était sans doute qu'il n'y avait là strictement rien d'illégal... ils allaient reconstituer les rangs de l'armée shitaï avec de bons gros Pokémon bien gras, spécialement lâchés par les autorités pour l'occasion. Il y avait là une ironie délicieuse.

En route pour le parc, Nadie jeta un œil à la carte dresseur que Trente lui avait fourni. Le faux était de très bonne qualité, elle devait bien l'admettre - même si elle aurait préféré s'arracher la langue plutôt que de l'avouer à haute voix. La photo était la sienne, avec son déguisement de jeune gothique effarouchée. A côté, le document indiquait " Mona Lowper". D'où pouvait sortir un nom aussi pourri ? Elle n'en avait aucune fichtre idée ! Mais c'était bien nul.

" Cool ! On est pas en retard ! " annonça la voix de pré-adolescent de Trente, avec cette pointe de moquerie à peine dissimulée. Devant eux se dressait un immense porche fleuri, des décorations et une série de poteaux qui délimitaient une longue file d'attente. Un peu plus loin, sur les chemins qui longeaient le parc, Trente avait aperçu des paires de képis qui patrouillaient doctement. Le parc était sous étroite surveillance, pour éviter toute mauvaise surprise. Le jeune homme brun à la dégaine de vadrouilleur que le Rocket était devenu se retint de sourire. Tous les sbires Rocket n'étaient pas de parfaits crétins... un jour, ces petits soldats l'apprendraient à leur dépends. Mais pas aujourd'hui. "Kyle Yonomi" n'était qu'un dresseur tout à fait banal, sourire un peu bêta et pokéball à la ceinture. Nadie se demandait si ces idées stupides d'identités de gamins attardées

La recrue avait obstinément refusé de lui confier le nom du type à qui il/elle les avait sans aucun doute acheté : à croire que cette petite teigne tenait à garder la main mise sur les contacts intéressants... Renfrognée, Nadie n'en était que plus convaincante. Xolotl se félicitait de l'avoir mise de mauvaise humeur.

Ils firent la queue avec la centaine d'autres personnes venues tenter leur chance pour le concours. Les gardes du parc, consciencieux, vérifiaient les cartes, puis délivraient aux dresseurs une trentaine de Pokéball à titre gratuit. Et pas n'importe lesquelles ! Des safari ball ! Elles ne pouvaient être utilisées que dans l'enceinte du parc, et les balls non utilisées devraient être restituées à la fin du concours.

Avec un grand sourire, Trente tendit sa carte à l'homme, qui, son cent-cinquante-huitième coup d’œil au petit papier plastifié effectué, nota le nom qui y était inscrit sur sa liste et posa la question fatidique :

" Le Parc vous offre deux possibilité pour concourrir : attraper les Pokémon avec une Safari ball, ou bien tenter de les convaincre de vous suivre avec un appât Noigrume !

-On est de la vieille école, plaisanta Trente sans hésiter, on prend les Pokéball ! "

Lecture de règlement plus tard, les deux "amis" étaient lâchés avec le reste de la foule dans l'immensité du parc. Très vite, les concurrents se dispersaient dans les hautes herbes, pressés de trouver LE Pokémon de leur rêve. Mais Trente et Nadie n'étaient pas ici pour la qualité. Seule la quantité importait : pour cela, ils s'éloignèrent assez rapidement de l'entrée, pour tenter de dégoter un coin tranquille où ils pourraient trouver abondance de petites proies à capturer. C'est donc d'un bon pas que les deux acolytes dépassèrent les derniers entrés, empruntant l'une des allées arborée du parc.