A la poursuite des rêves

Il fallut trois heures, un véritable temps record, afin que des agents et médecins soient dépêchés sur place. Cela devait faire des éons que l'île Pleine Lune n'avait pas été témoin d'un tel tumulte. Il y avait cinq agents et quatre médecins qui se présentèrent à Eva et Gladio, les prenant en charge ainsi que Nox et Mélusine. Une tente de fortune avait été installé. Ce n'était pas le grand luxe, mais il était toujours agréable de pouvoir s'installer à l'abri du vent marin. Gladio et Eva eurent une couchette pour s'asseoir ou se reposer. Ils avaient tous les deux eu une nuit difficile.

L'état de Gladio était acceptable, mais un médecin força Eva à s'allonger et insisterait pour qu'elle se repose.

"Pardonnez-moi le terme, mais vous êtes dans un état lamentable madame Mayers. Je vais devoir en faire référence à votre supérieur."

Les médecins ignoraient encore ce qu'avait traversé Eva. C'était à elle ou à Gladio de leur dire. Garderaient-ils le secret à ce sujet ? Notamment le garçon qui s'inquiétait réellement de l'état de sa collègue. Elle était à bout, et si au téléphone, le cacher était possible, cela restait difficile une fois face-à-face.

Mélusine et Nox furent couchés plus confortablement. Les médecins les auscultèrent tous les deux, et tentèrent, avec précaution, d'utiliser des sels et autres médicaments pour exercer un réveil forcé sur chacun d'eux : En vain. L'un d'eux s'en retourna après deux heures vers Gladio. Il semblait le plus à même de recevoir les informations.

"Madame Verger et le Mentali de madame Mayers sont dans un coma profond. Ils sont vivants, leurs fonctions vitales sont intactes, mais ils ne réagissent à aucun stimuli. Nous les avons mis sous perfusion."

Rien de bien nouveau sous le soleil. Mais il était toujours rassurant d'avoir des médecins pour prendre soin des victimes. Lorsqu'Eva fut reposée (ou non), l'un des agents s'adressa au duo. Il s'adressa avec respect à sa supérieure, mais parla en égal à Gladio. Si elle était un agent internationale officielle, le statut de Gladio était différent. Il restait un ancien criminel qui aidait la police pour payer sa dette. Hiérarchiquement, il restait en bas de l'échelle, quelque soit sa puissance. Le policier resta néanmoins cordial et professionnel à son encontre.

"Agent Mayers, monsieur Gladio, suite à la demande de Monsieur Grimwald, je vous confie mon Hypmonade. Il s'appelle Hypnos et a été formé pour lutter contre les agressions psychiques, voir oniriques."

Il hésita un moment avant d'ajouter :

"Mais je vous avoue que ni lui, ni moi n'avons jamais vu ou entendu d'une telle histoire ..."

Le policier était gradé, mais il restait un agent de région, situé à Sinnoh. Comme Eva avant de prendre du galon et toucher à l'international. Jusqu'ici, l'homme, de bientôt trente ans, était intervenu sur des affaires locales. Les agressions oniriques qu'il évoquait étaient de simples interventions contre des dresseurs usant de Soporifik, Hypmonades ou autres Pokemon mangeurs de rêves. Ces techniques, une fois maitrisées du bout des doigts, et utilisées à de mauvaises fins, pouvait infliger de sérieux dégâts à la psyché des victimes.

Eva et Gladio disposaient enfin d'un Hypmonade. Le jour s'était levé, et l'île Pleine Lune restait la même. Malgré la présence des agents et médecins, le lieu était terriblement calme. Difficile d'imaginer qu'il pouvait être lié à la catastrophe. La plume, quand à elle, ne luisait pas, restant inerte.

Oryse avait accepté de commencer les tests avec ses collègues, mais cela prendrait du temps. A la remarque de Gladio sur le fait que les habitants auraient dû prendre en charge, elle avait répondu calmement sans s'étendre sur le sujet :

"Vous avez l'air de croire que la guérison d'un traumatisme ne prend que quelques jours. Je m'étonne qu'un agent sur des affaires internationales puisse se montrer aussi naïf."

Durant le jour, rien ne se passait. Eva et Gladio pouvaient en profiter pour prendre du repos. Mais était-il sage de s'endormir, même lorsque le soleil était levé ?

Modération SVP :
Quelques heures de repos pour vos personnages. Eva, je considère que tu as fait la demande d'agents à Grimwald. Dis-moi si tu veux un agent international sur le coup également.
Si vous avez des indications à donner aux agents ou médecins, vous le pouvez. Dites-moi simplement ce que vous faites.

L'explication d'Eva sur son état alerta fortement le médecin. Il la regarda d'un oeil qui alterna vivement entre la surprise, et la juste colère. La policière s'était comportée avec imprudence. Se jeter dans le lac n'avait, aux yeux du soignant, rien d'intelligent. Il se garda de tout commentaire, sachant que la policière avait compris son erreur. Mais son regard en disait long. Il ne validait absolument pas cette action. Au contraire, il la réprouvait, et s'en inquiétait.

"Peut-être devrais-je en parler avec votre supérieur afin qu'il vous retire de cette affaire."

Gladio s'en doutait, la situation d'Eva pouvait évoluer à tout moment. Grimwald n'était pas du genre à laisser un agent épuisé sur le terrain. Damian en avait fait les frais, ce serait au tour de la policière. Pour son propre bien.
Comme promis, Oryse ne s'attarda pas sur le sujet de la prise en charge avec Gladio. Elle ne souhaitait pas s'étendre avec ce garçon sur la réalité d'une telle prise en charge comme il l'imaginait. Il y avait plus important, comme coordonner ces tests qu'il avait demandé. C'était un acte plus envisageable. Bien qu'une telle série de tests risquait de prendre un mois. Le temps de recueillir les données, de les comparer, et d'en arriver à des conclusions. Un mois serait même un travail effectué à la va-vite et les résultats ne seraient guère définitifs. De telles études prenaient généralement un an, voir plus.

L'agent dresseur d'Hypmonade s'assit finalement en compagnie d'Eva et de Gladio. Il allait tenter de leur expliquer calmement ce qu'ils pouvaient faire.

"Hypnos peut vous guider dans le rêve en vous plaçant dans un état d'hypnose. Quand vous dormez, habituellement, vous ne contrôlez rien, vous êtes soumis à votre psyché et vagabondez d'un état à un autre. En travaillant avec un Pokemon, vous acceptez en quelque sorte de vous soumettrez à sa volonté. De la sorte, il peut contrôler votre psyché et l'équilibrer, tout en conservant une forme de clairvoyance sur ce que vous voyez, et sur votre état."

Le policier resta silencieux, laissant le temps à Eva et Gladio d'assimiler les informations.

"C'est un exercice psychique très délicat, et cela demande une entière collaboration entre l'hypnotiseur et ses sujets. Si vous lui résistez, alors il vous perdra, et vous serez de nouveau endormi, sans aucun contrôle. Ce n'est guère confortable ou rassurant, je le comprends, mais vous devez totalement vous offrir à Hypnos. Si vous ne vous en sentez pas capable, il vaut mieux abandonner dès maintenant."

Si Gladio n'avait jamais vraiment été soumis à l'emprise d'un Pokemon Psychique, ce n'était pas le cas d'Eva. Elle avait été soumise à bien des êtres dotés de pouvoirs. Mastermind en premier, Hyle en second. Comment prendrait-elle le fait de s'offrir à nouveau volontairement ? Même à un allié ?


"Hypnos créera une forme d'état où vous serez proche d'un état réel. Ca veut dire que malgré les folies de votre rève, vous aurez l'illusion de marcher, de voir, d'entendre, comme dans la vie réelle. Ce sera une véritable immersion.
Mais il y a un risque.
Si habituellement, vous ne risquez rien dans un rève, le fait de vous introduire de la sorte vous rendra vulnérable. Si vous vous blessez par exemple, votre esprit pourra réellement croire que vous l'êtes, et cela peut nuire à votre organisme. Si votre esprit est persuadé que vous êtes décédé, il peut très bien stopper vos fonctions vitales, ou essayer au contraire de survivre, risquant un arrêt cardiaque ou autre chose. Cela signifie que vous devez évoluer avec prudence."

Plus les pouvoirs psychiques permettaient des choses, plus les risques étaient grands. Gladio et Eva misaient gros sur cette mission. Se soumettre, et accepter d'être vulnérable, c'était un risque. Mais avaient-ils d'autres options avec le peu de temps dont ils disposaient ? Le policier reprit enfin :

"Enfin, cet exercice demande une grande concentration de la part de l'Hypmonade. Si vous souhaitez pouvoir vous défendre, vous pouvez endormir des Pokemon avec vous. Mais attention, plus de Pokemon vous emporterez dans le songe, et moins le contrôle d'Hypnos sera puissant. Il est possible que vos Pokemon ne puissent pas donner le meilleur d'eux-même, ou que leur propre puissance déstabilise mon Pokemon. Je vous conseille d'emporter des Pokemon non psychiques, afin de ne pas ruiner le lien mental avec mon Hypmonade. Comme dit, ces missions visent premièrement à l'exploration, des combats trop intenses peuvent briser le lien établi."

Tout semblait être dit. Le policier semblait savoir ce qu'il faisait. Gladio et Eva devaient maintenant réfléchir à leur stratégie. Combien de Pokemon devaient-ils prendre ? Devaient-ils seulement tenter l'expérience à deux ? C'était le moment d'en discuter.

La stratégie se mettait en place, tout comme le choix des Pokemon. Eva se reposait sur son Demolosse, alors que Gladio choisissait les deux formes ultimes des starters du Kantô : Tortank et Dracaufeu. Il n'était pourtant pas rassuré. Valait-il mieux que un. Le policier en charge d'Hypmonade se tourna vers son Pokemon. Sans parler, ces deux là semblaient avoir une confiance et une compréhension mutuelle. Peut-être avaient-ils un lien télépathique qui échappait aux autres membres de l'équipe. Le policier précisa :

"Nous allons tenter le coup. Ce que nous allons faire, c'est si Hypmonade ne peut gérer Tortank et Dracaufeu, alors il relâchera son emprise sur l'un d'eux avant de perdre le contrôle."

Le policier se voulait pragmatique. Il comprenait totalement que Gladio ne souhaitait pas s'endormir tout à fait à nu, sans Pokemon en soutien. Eva commençait à s'installer au sol, ce à quoi le policier réagit. Il hésitait entre rire, mais était un peu géné. Il s'adressait tout de même à sa supérieure :

"Vous pouvez utiliser une couchette agent Mayers, nous ne sommes pas des sauvages allons."

Une fois Gladio, Eva, et leurs Pokemon installés, il ne restait plus qu'à débuter l'exerice. Hypmonade se plaça en vue, et son dresseur demanda à la fine équipe d'observer le pendule du Pokemon. Le groupe se trouvait à proximité de Mélusine et de Nox. Cela aiderait Hypmonade à diriger le groupe.


Au début, ni Eva, ni Gladio ne sentirent quoi que ce soit. Le pendule du Pokemon s'agitait et cela semblait bien idiot. Pourtant, avant de s'en rendre compte, ils oublièrent le monde qui les entouraient. Ils pensaient encore avoir conscience, pourtant, leur esprit était déjà contrôlé par le pendule. Une voix non-humaine, celle de l'Hypmonade, résonnait dans leur tête. Normalement inintelligible, celle-ci possédait pourtant un pouvoir de suggestion. Elle leur soufflait de se détendre, d'oublier leurs soucis, et de n'écouter que lui. Dans quelques instants, leur esprit s'endormirait peu à peu, et ainsi, chacun plongerait dans un profond sommeil. Comme lorsque l'on s'endort, Eva et Gladio ne se rendirent compte qu'ils étaient déjà endormis. Lorsqu'ils eurent le sentiment de reprendre le contrôle de leurs esprits. Ils comprirent qu'ils étaient toujours dans la tente. Pourtant, Hypmonade et son dresseur avaient disparu, tout comme les corps de Mélusine et de Nox. Seuls les hypnotisés étaient présents. La tente semblait plus sombre, comme dans une semi-pénombre. C'était une sensation étrange, la tête de chacun leur tournait un peu, mais ils avaient le sentiment de pouvoir contrôler leur prochaine action. Quelque chose leur suggérait fortement de sortir de la tente.

Hors de la tente, ce fut le même constat. Toute l'équipe avait disparu. Le plus étrange, si l'étrange avait du sens dans le rêve, fut que les autres tentes avaient disparu elles aussi. Le jour avait disparu, mais il ne fait pas nuit également. La lumière avait diminué, s'ornant d'un rideau bleuté sur l'île toute entière. A nouveau, le soleil avait laissé sa place à une pleine lune, gigantesque et intense. Alors qu'ils observaient les alentours, Gladio, Eva et leurs Pokemon remarquèrent bien vite que la tente dont ils étaient venus s'était évaporée elle aussi, emportant Mélusine et Nox avec. Ils étaient à présent seuls sur cette île, comme à l'accoutumée.

Rien, ni personne. Pas de créature de lumière, ni de créature de ténèbre non plus. Pas de Mélusine, pas de Nox non plus. L'île était déserte, et paisible à cet instant.

Alors qu'ils évoluaient à travers l'île, la seule différence reconnue fut le lac de l'île. Ce dernier était obscurci par de lourds ténèbres. Impossible d'observer son reflet dans cette eau, ou de savoir ce qui cachait sous la surface.

Le lac était là, et ne bougeait pas. Ni la forêt, ni la pleine lune qui semblait si grande qu'elle pourrait écraser Gladio et Eva. Cela pouvait être effrayant, mais en vérité, c'était magnifique. La lumière de la lune était légèrement bleutée. Rien n'était effrayant à cet instant. Pourtant, ce n'était qu'une face de la lune. L'autre était noire, et terrible. Même s'ils allaient mieux, Eva et Gladio pouvaient se souvenir, non avec plaisir, de ce sentiment qu'ils eurent en entrant en contact avec Darkrai.

Malheureusement, il n'y eut aucune apparition miracle de la part du Pokemon qui pouvait faire pencher la balance. Eva et Gladio, dans le rève précédent, l'avaient vu dans le lac. La plume du Pokemon s'y était même trouvée, dans la réalité. Cela avait-il un lien ?

Eva et Gladio avaient les yeux qui piquaient. Chacun d'eux commencèrent peu à peu à apercevoir des images étranges autour d'eux. Chacun pouvait reconnaitre, dans un ordre aléatoire, des apparitions du passé. Des personnes, ou des lieux, voir des évènements dont ils se souvenaient. Malheureusement, rien qui ne venait du passé amnésique de Gladio. Cela était bien étrange. Un message télépathique les alerta dans leur esprit. Un message non-humain, probablement d'Hypnos. Il leur signifiait que sans action continue de leur part, il était difficile de les maintenir dans cet état de contrôle. L'onirisme était une force puissante, qui détestait l'immobilité. Le fait de ne rien faire fragilisait le pouvoir de l'Hypnomade. Si cela continuait, Eva et Gladio s'endormiraient réellement, happés par d'autres rèves, à moins que le Pokemon ne les réveille.

Après un temps de réflexion, Eva demanda à Gladio d'envoyer son Tortank en éclaireur. En tant que Pokemon eau, il était le plus apte à explorer ce lac sans se mettre en danger. Obéissant fidèlement, la tortue pleine de muscle se jeta dans le lac obscur. Pas un bruit, ni de réelle éclaboussure lorsque ce gros Pokemon toucha la surface et plongea dans le liquide. Cela était étrange, mais il ne fallait pas oublier que les agents n'étaient plus dans la réalité. L'onirisme obéissait à ses propres lois.

Impossible de savoir ce que Tortank voyait. Il ne revint pas, et ce, même après une minute. Gladio et Eva devaient se décider rapidement. Comme Hypmonade leur avait fait comprendre, trop d'immobilité dans leur état risquait de rompre leur connexion.

Il n'y avait pas le choix, il fallait agir. A cet instant, il n'était plus question d'agir avec désespoir, mais de réellement tenter quelque chose. Sans nouvelles de Tortank, Gladio et Eva prenaient en risque. Mais en tant qu'agent, les risques étaient parfois inévitables. Contrairement à la première fois où Eva s'était jetée à corps perdu dans l'eau glacée, les deux agents tentaient cette fois aussi d'explorer ce monde qui n'était fait que de faux-semblant.

Ils entrèrent en contact avec cette eau noire qui leur glissa sur la peau et les vêtements. Ils ne sentirent rien. Pas de sensation d'humidité, ni même d'impression de contact. C'était comme si l'eau n'avait été qu'une illusion. A la seule différence qu'ils ne virent plus rien pendant quelques secondes. Le plus étrange lorsqu'ils atteignirent la surface à nouveau. Ils venaient tous les deux de plonger qu'ils se retrouvaient la tête hors de l'eau. Eva et Gladio étaient pourtant persuadés de ne pas avoir bougé leur corps. Leur compréhension de l'espace en prenait un coup, leur donnant une petite envie de vomir. Mais il n'y avait pas le temps pour cela.

Ils étaient à la surface, mais ils semblaient avoir voyagé. Ils se trouvaient toujours sur une île, aussi semblable que la précédente. Mais il y faisait nuit. La magnifique lune bleue était devenue aussi sombre que le jais, sans lumière pour refléter sa surface. L'herbe était aussi noire que les arbres. Une terre de ténèbres qui à nouveau, fit ressasser le monde des spectres à la policière. Ils pouvaient observer le décor environnant, bien qu'ils soient plongés dans l'obscurité. Comme si cette île s'était formée à partir des ténèbres qui l'entouraient et parvenaient à se révéler. Comme un ilot perdu dans l'obscurité.

Puis il les vit. Mélusine, Nox, et Tortank. Ils apparaissaient aussi visible que s'ils avaient été éclairé par une lumière dont la source n'apparaissait pas. Tous les trois étaient immobilisés. Etaient-ils conscients ? Tous les trois flottaient au dessus du sol, séparés les uns des autres de plusieurs mètres. Tortank, bien qu'endormi, semblait vivant et en bonne santé. Mais Mélusine et Nox avaient littéralement perdus des couleurs. Ils semblaient être devenus noir et blanc, enfin presque. Leurs couleurs s'étaient atténuées, variant de plus en plus vers le gris. Quoi que ce soit, ce n'était pas rassurant.

Il était difficile de respirer, Gladio et Eva se sentaient pris à la gorge par une sensation d'étouffement. Ils ne le voyaient pas, ne le détectaient pas, mais lui les voyait. Il les observait, car il était un tout dans cet environnement. Caché dans les ténèbres apparaissait sa crinière blanche et ses yeux bleus, dont le simple échange de regard terrorisait ses pairs.

Enfin, il leur parla :

*Folles créatures de chair, à fouler de votre esprit un territoire dont vous ne souhaitez comprendre l'existence.*

Gladio et Eva ne le voyaient pas encore. La créature évitait leur regard, se cachant, prenant des allures de véritable croque-mitaine. C'était angoissant. L'Être qu'on ne pouvait voir était le plus dangereux, car il pouvait surgir de n'importe où. A nouveau, la comparaison avec le Roi des Spectres se fit.

Modération SVP :
Mélusine, tu peux toujours parler. A toi de voir si tu veux intervenir de nouveau (désolé pour ce hiatus un peu imposé) ou rester inconsciente. Tu es toujours vivante, mais après un temps qui t'a paru infernalement long, tu sembles dénuée d'espoir et de vitalité, comme si les ténèbres t'avaient dévoré toute joie de vivre et tout désir de croire en l'avenir. Nox ressent la même chose également.

Mélusine avait fini par perdre conscience. Mais pouvait-on réellement sombrer dans l'inconscience dans un rêve ? Ses yeux étaient toujours ouverts, mais son attention semblait s'être fermée au monde extérieur. Combien de temps elle, Nox, mais également Tortank avaient-ils été sous l'emprise de Darkrai ? Si longtemps que même l'apparition d'Eva et de Gladio les laissaient pantois. L'espoir n'était plus permis chez eux. Ils s'étaient résignés à cet état. Darkrai leur avait promis une éternité d'emprisonnement. Il ne semblait pas avoir menti. Combien de temps étaient-ils restés dans cet état ? Soumis à cette immobilité constante ? Quelques heures dans la réalité ... mais un temps courbé dans le rêve.

Gladio tenta de les déplacer. Il en avait le pouvoir. Si les victimes ne pouvaient agir d'eux même, ce pouvoir était autorisé à ceux que Darkrai n'avait pas encore mis sous son pouvoir. Mais pour combien de temps ? La créature s'était laissée connaitre. Sa voix s'inscrit dans l'âme d'Eva et de Gladio, comme une information qu'ils semblaient avoir toujours connu. L'Être n'usait pas du langage commun. Il était au-delà de ça. Il était le monde dont les êtres de chair faisaient parti. Il ne faisait que révéler la Vérité lorsqu'il en avait le besoin.

Ainsi Eva comprit en un instant pourquoi il ne se montrait pas. Et cette compréhension lui fit comprendre pourquoi ses mots étaient saugrenues. Darkrai ne cherchait pas à effrayer ses victimes ou ses visiteurs, il n'en avait guère le besoin. Tout comme se cacher ne le protégeait guère. En vérité, il protégeait de son acte Eva et Gladio. Sa propre existence persécutait ceux qui avaient l'hérésie d'entrer en contact avec lui. Un simple échange en vis-à-vis causerait la folie chez Eva et Gladio. Ils comprenaient tous les deux, simplement en se trouvant sur cette nouvelle île, que l'Être ne mentait guère. Le lieu leur rappelait l'effroi qu'ils avaient ressenti. Ils se souvenaient à présent comment un simple échange de regard les avait tétanisé.

*Vous êtes dans l'épicentre. Un domaine terrestre dont la frontière avec l'Ailleurs est la plus fine. Une terre foulée, parfois observée. L'Ailleurs est à présent partout. La porte a été ouverte, et l'Ailleurs a envahi ce lieu.*

Après quelques instants, il leur révéla enfin, inscrivant sa connaissance dans leur peau avec la même sensation qu'avoir l'esprit forgé au fer rouge :

*Je suis l'Ailleurs.*

L'Ailleurs était le Néant, la Mort, l'Au-delà, l'énergie de la Mort, mais aussi l'énergie de la Vie, incarnée par deux avatars.
La définition de ce mot s'étendait sur plusieurs synonymes, chacun de ces termes résonnant dans l'esprit des agents. Le comprendre était difficile, et imposait un douloureux mal de tête à Eva et Gladio. Si douloureux qu'ils avaient l'envie de s'allonger au sol, et d'abandonner. Puis la douleur diminuait, s'évaporait. Le jeu de Darkrai ? Ou les bribes de puissance qui subsistaient chez ces deux humains. Ils avaient été envahi par la lumière de la plume de Cresselia.

*La Lumière est encore en vous. Vous aussi, appartenez à l'Ailleurs. Pour l'instant. Mais vous finirez recouvert par les ténèbres vous aussi. Cela est irrémédiable. La porte a été ouverte.*

Quand le mot "porte" était mentionné, Eva et Gladio comprenait que l'allusion était métaphorique. Il n'y avait pas vraiment de porte. Mais c'était le mot plus simple pour comprendre la notion auquel référait Darkrai. Les deux agents comprenaient que l'ordre des choses avait changé. l'Essence de Darkrai et Cresselia avait toujours été là, superposée au monde. Mais à présent, un évènement avait amené ces essences à influer le monde réel plus que de raison, et ce, à travers le rêve de ses habitants.

Gladio souhaitait savoir comment ils en étaient arrivés là, Eva, elle, se focalisait d'avantage sur comment résoudre cette situation, si solution il y avait. A l'évocation de la Crise Temporelle, Gladio vit quelque chose passer près de lui. Ce mot semblait avoir fait réagir la créature. Un instant durant, le garçon croisa les yeux bleus du monstre. Il ne put s’empêcher de crier de terreur. Darkrai ne mentait pas. Un regard appuyé le rendrait fou. Alors qu'il retrouvait ses sens, Gladio comprit que non, la crise Temporelle n'avait pas ouverte la porte. Aussi folle et particulière fut-elle, ce n'était pas la raison. Dialgia et Palkia évoluaient sur des territoires bien différents de Darkrai et Cresselia. La mort de Palkia avait prise en compte par Arceus, réparée avant même qu'elle ne fut brisée. Seul le Créateur pouvait passer outre des règles établies. Donnant et reprenant vie tel qu'il le souhaitait. Après tout, il avait peint son monde et superposé sur l'Ailleurs.

Gladio et Eva comprirent, l'information s'inscrivant en eux. Il y avait bien eu une hérésie. La mort avait été corrompue. Et apparemment, le suicide de Malhika n'avait rien résolu. Darkrai ne répondit guère à la question sur les fantômes. Mais Gladio fut pris d'un frisson en y repensant. Les fantômes en étaient parce qu'ils étaient difficilement inexplicables. Ce nouveau malaise était dû au fait que même l'un des Avatars de l'Ailleurs voyait d'un mauvais œil leur existence. Des créatures nées des noires émotions, les restes parfois palpables et difformes de ce que fut la Vie. Gladio et Eva comprirent aussitôt pourquoi Mélusine était restée prisonnière de Darkrai. Ils comprirent le don de la jeune fille, de voir, de ressentir ce qu'il ne devait l'être. Darkrai détestait ceux qui avaient l’œil. Ils les considéraient comme des hérétiques, observant ce qui ne devait l'être. Ces dons n'étaient guère suffisants pour briser l'équilibre, mais leur existence était à ses yeux une abomination. Il l'avait gardé auprès de lui afin que son engeance n'appartienne plus au monde physique.

Aussi ironique que ce fut, ceux qui avaient le malheur de voir à travers la frontière menant à l'Ailleurs, risquaient d'être contaminés par le monstre. C'était là l'histoire de ce garçon de Joliberges. Combien de victimes y avaient-ils eu à travers les âges ?

A la question d'Eva, la jeune femme sentit un froid glacial lui traverser le ventre. Gladio eut la réponse également inscrite dans son esprit. Et c'était toujours aussi désagréable. La moindre question, la moindre demande d'information, réclamait du monstre qu'il réponde. Et ces seules interactions étaient une torture. L'énergie de la plume de Cresselia n'était plus suffisante.

*Une hérésie suffisante pour destituer celle qui fut.*

La policière et Gladio obtinrent une nouvelle information. Tous étaient reliés à cet instant, et ainsi, le jeune agent apprit qu'Eva avait encore dans l'idée de se sacrifier, pour la bonne cause. Il le comprit lorsqu'il apprit en même temps que sa supérieure n'apporterait rien en mettant fin à sa propre vie. Ce ne serait qu'un acte vain, comme tout suicide. Pas l'hérésie demandée.

*Bientôt, les derniers bribes de lumière en vous seront à leur tour recouverts par les ténèbres. Tout comme son Créateur. Fuyez, tant qu'il est encore temps ... ou disparaissez à votre tour.*

Le corps de Mélusine se figea. Si Nox et Tortank semblaient toujours déplaçables, ce n'était plus le cas de la demoiselle. Darkrai semblait tenir à cœur de la garder avec lui. Pour la punir, pour ce qu'elle était.
Il ne restait que peu d'options pour Eva et Gladio. Fuir comme semblait le conseiller le monstre, insister, obtenir des informations de sa part quitte à en souffrir ? Se sacrifier ? Bien que cela semblait vain ? Ou peut-être possédaient-ils la réponse en eux ?