Prier pour son salut

Unionpolis est un lieu animé, mais il y a un endroit en ville qui est très paisible : le square pokemon. Un immense espace fait justement pour y libérer ses pokemons et les laisser s'amuser entre eux. C'est dans cet objectif que Mélusine s'y est rendue aujourd'hui. Pour renouer le contact avec son équipe dans de bonnes conditions. Son séjour à la clinique a été long, tout le monde lui a manqué, et c'est réciproque elle le voit bien.

Ruby ne la lâche plus depuis son retour, toujours collée à sa dresseuse, même une fois libre de courir dans le square. De nature sociable, Hapi s'est rapidement fait des amis pokemons. Il s'approche peu des humains cependant. En tant que togetic il est sensible aux émotions humaines, tout comme Mélusine, et préfère donc se tenir à distance. On pourrait apparenter ça à de la timidité, car une fois en confiance, il n'y a plus affectueux que lui.

L'endroit étant très sécurisé il n'y a pas de pokemons sauvages qui vivent dans le coin. Simple précaution pour éviter les combats, même si ça n'empêche pas certaines créatures de se chamailler. Les combats entre dresseurs y sont en tout cas prohibés. Ce square se veut un endroit tranquille, où chacun peut se retrouver en harmonie. Ce qui ne dérange pas la jeune femme, qui n'est de toute façon pas d'humeur à chercher la bagarre.

Elle s'amuse à envoyer une balle que la feunard chromatique lui ramène, à cet instant plus toutou que renard. Un autre petit pokemon ne tarde pas à rejoindre le jeu, un joli lixy de couleur jaune. Il ne semble étrangement appartenir à personne, en tout cas aucun dresseur ne vient le réclamer pendant plusieurs heures. Mélusine trouve ça étrange. Personne ne fait non plus attention à lui, comme si sa présence était normale.

Curieuse et un peu inquiète, elle se décide finalement à demander à un agent de sécurité. L'enquête se poursuit un moment, avant de finalement découvrir un second lixy tout seul. Encore une fois nul ne prétend qu'il lui appartient. La conclusion est bien triste : ces deux petits bouts ont sûrement été abandonnés ensembles. Car ils se connaissent, c'est évident à les voir se chamailler comme frère et sœur.

-Ne vous inquiétez pas, je m'occupe d'eux.

Mélusine rassure d'un sourire l'agent de sécurité, après avoir attrapé les deux lixy dans ses bras. Il n'est pas encore certain qu'elle les gardera, mais si c'est le cas elle leur trouvera un bon foyer. A tous les deux, car il n'est pas question de les séparer.

Après une bonne heure de le square, Mélusine fait rentrer tout le monde, sauf les lixy qui la suivent sans hésiter. Le duo s'est vite attaché à l'humaine, qui n'ose pas encore les enfermer dans une pokeball, même si ce serait plus pratique. Ils ne lui appartiennent pas, peut-être qu'ils voudront retrouver leur liberté après. Enfin ça semble peu probable, vu comment les deux sont à l'aise avec les humains. Peu surprenant si on imagine qu'ils ont été abandonnés.

C'est donc en leur compagnie que la jeune femme parcourt les rues de Unionpolis. La ville est grande, pleine de lieux à visiter. Il y a notamment la salle de concours qui permet aux coordinateurs débutants de s'entraîner. Comme Mélusine ne vise pas cette carrière, ça ne l'intéresse pas vraiment. Elle hésite cependant un instant à y aller en tant que spectatrice, puis se ravise. Plus tard peut-être. Et puis un autre lieu attire son attention.

Une église.

Mélusine a grandi entourée de légendes, alors forcément, elle a grandi en étant croyante. Mais aujourd'hui... Croire en qui ? Les pokemons légendaires ? Arceus ? Difficile pour celle qui a été témoin du jugement, et victime de Darkrai. Elle a compris que ces forces ne sont pas à prendre à la légère. Que les prier ne sert pas à grand-chose non plus. Ils feront pleuvoir leurs pouvoirs sans se soucier des implorations humaines.

A rester un moment devant l'église, une voix finit par retentir.

-Bonjour. Vous venez dire une prière ?

Elle tourne la tête vers l'homme qui vient de lui adresser la parole. Un paroissien au vu de ses habits.

-Bonjour. Non, désolée, je ne fais que passer.

-Je vois. Puis-je tout de même vous inviter à entrer avec moi ? L'intérieur vaut le coup d’œil.

Un instant d'hésitation, puis elle hoche la tête, suivant l'homme dans l'église. En effet l'intérieur est magnifique, les vitraux laissent passer une lumière colorée qui remplit le lieu entier. La jeune femme est subjuguée par ce qu'elle voit. Finalement elle ne regrette pas d'avoir accepter d'au moins visiter. L'homme à ses côtés sourit, puis se retourne vers elle.

-Cette paroisse a été construite il y a des centaine d'années, pour honorer le Créateur.

-Le même Créateur qui a failli détruire le monde.

-Vous étiez présente le jour du Jugement n'est-ce pas ? Je ne peux le nier, nous avons été fous de vouloir réclamer son pouvoir.

Il y a un instant de blanc.

-J'y étais également vous savez. Nous faisons partis des chanceux survivants.

La jeune femme se demande bien comment il trouve la foi de continuer à prier après tout ça. Son air doit être dubitatif, car il ajoute.

-Chaque jour j'espère me faire pardonner pour avoir un jour voulu faire appel au Créateur. Et je veux guider les fidèles à croire en eux, en autrui, qu'ils ne commettent pas la même faute.

Pensée honorable, à laquelle Mélusine ne peut qu'adhérer. Finalement, peut-être qu'elle va laisser une petite prière dans cette église, pour elle et ses proches.

Au final, alors qu'elle ne voulait pas rentrer de base, Mélusine passe près d'une heure dans cette église à discuter avec le jeune prêtre. Elle se surprend même à penser une rapide prière pour la santé de ses proches. Non pas adressée au Créateur, ni à ses enfants légendaires, juste... A n'importe quelle puissance qui veille réellement sur eux, les humains. Il doit bien en exister une quelque part. Depuis les événements avec Arceus et Darkrai, elle n'a plus confiance en les légendaires.

Le seul gardant cette confiance est son propre shaymin, car lui ne la trahira pas, elle le sait. Revitalisée par cette longue conversation, la jeune femme remercie le paroissien. Il lui a permis de faire la paix avec les églises au moins, bien qu'elle ne puisse pas mettre de foi dans les religions vénérant des créatures divines. Lui ne vénère personne, il essaie d'expier ses péchés.

-Vous pouvez m'appeler frère Benoît, ou Benoît, tout simplement.

-Dans ce cas appelez moi Mélusine.

-Mélusine... Une "merveille", vos parents doivent beaucoup vous aimer.

Elle en rougit. Peu connaissent la signification de son prénom, ça lui fait autant plaisir que ça la gêne. Si bien qu'elle bafouille quelques mots incompréhensibles, qui font rire Benoît. C'est le temps qu'il faut pour se reprendre, faire disparaître les rougeurs sur ses joues. Rapidement elle change de sujet.

-Au fait, est-ce que l'église s'occupe de pokemons abandonnés ? J'ai trouvé deux lixy qui ont perdu leur famille, et je ne sais pas si je peux en prendre soin... Et je voudrais qu'ils ne soient pas séparés.

-Hmm... Nous recueillons parfois de pauvres créatures abandonnées en effet. Il doit nous rester assez de place pour deux pensionnaires de plus je pense. Attendez une seconde.

Benoît disparaît dans une salle interdite au public, pour ne revenir que quelques minutes plus tard avec un sourire. Son supérieur a confirmé qu'ils peuvent accueillir le duo. Voilà qui la rassure, elle n'a plus à s'en faire pour ces deux petits.

C'est l'esprit serein qu'elle ressort de l'église, certaine que les deux lixy trouveront uns bonne famille pour s'occuper d'eux. Frère Benoît lui inspire confiance - en partie parce qu'il est un homme de foi. Élevée dans les croyances, Mélusine a beaucoup de respect pour les gens qui prennent ce chemin. Et ce, même si sa propre foi a été ébranlée par les divers événements de sa vie.

Le soleil est couché depuis un moment quand elle reçoit le coup de fil qui brise cet instant de bonheur. Elle était tranquillement retournée jouer un peu au square avec ses pokemons. Quand son téléphone a vibré - un appel de sa mère. Suffisamment rare pour être noté, souvent en cas d'urgence. Forcément qu'elle a de suite décroché.

-M-Mélusine ?? Est-ce que tu as vu les informations ??

-Les infos... Non, qu'est-ce qui se passe ?

-Les rockets ont pris le pouvoir !

Cette annonce est suffisante déjà pour la choquée. Elle range ses pokemons et se précipite vers le centre pokemon le plus proche pour voir la télé là-bas. La nouvelle tourne en boucle, les nouvelles restrictions également. Sa mère n'a pas encore raccroché, et semble sangloter au bout du fil. Est-ce si grave à ses yeux ?

-Maman... Ça va aller d'accord ?

-Ce n'est pas juste ça, c'est... Oh par Arceus... Ta grand-mère a fait un malaise en voyant l'annonce et... Et les médecins ne sont pas certains qu'elle se réveillera.

Le téléphone tombe au sol, laissant sa mère parler dans le vent. Grand-mère ? Dans le coma ? Son pilier, celle qui l'a élevée et lui a tout appris. Il est possible qu'elle n'entende plus sa voix. Bien sûr ce genre de chose allait arriver un jour, la dame se faisant vieille. Mais Mélusine pensait avoir encore quelques années à ses côtés. Une foule d'émotions la traverse à cet instant, alertant Hapi qui se pose sur son épaule. Pour la première fois elle le rejette.

-Mademoiselle Mélusine ?

C'est frère Benoît qui se tient derrière elle, dans ses bras un lixy qui paraît mal en point, l'autre à ses pieds. La jeune femme cache ses larmes.

-Que faites-vous ici frère Benoît ?

-Ce petit bonhomme a de la fièvre, je ne pouvais pas le laisser souffrir.

Quelques minutes plus tard ils se retrouvent tous les deux à attendre des nouvelles du lixy malade, emmené en salle de soins. Un silence pesant s'installe, jusqu'à ce que la brune craque. Sans même comprendre elle se retrouve à se confier au prêtre, lui raconter les dernières nouvelles et l'état de sa grand-mère. C'est en larmes qu'elle termine, ses mots devenant hachés par les pleurs.

Benoît l'écoute en silence, l'air de ne pas savoir comment réagir devant une telle situation. Gêné par les regards autour, il finit par l'entourer de ses bras dans un geste de réconfort.

-Je m'excuse pour ce spectacle.

-Ce n'est rien.

Malgré tout la gêne est palpable chez la jeune femme. Elle s'est laissée aller parce qu'il lui fallait quelqu'un à qui parler, à qui se confier sur les dernières nouvelles. D'ordinaire c'est vers son frère qu'elle se serait dirigée mais... Il n'est pas là actuellement. Tout de même déranger un presque inconnu de cette façon est assez intolérable à ses yeux. Peut-être est-ce parce que Benoît est un prêtre, habitué à écouter ce genre de doléances.

Toujours est-il que le silence s'installe jusqu'à ce que l'infirmière revienne avec le lixy, qui paraît en meilleur état qu'à son arrivée. Ce n'était qu'une petite fièvre, sûrement due à un coup de chaud aujourd'hui. De l'eau et un médicament suffisent à la faire baisser, maintenant il lui faut une bonne nuit de repos. L'autre lixy est rassuré de retrouver son compagnon en pleine forme. Il gratte doucement aux jambes des humains pour le voir.

Le duo sort du centre pokemon sans que la gêne ne soit redescendue. C'est finalement Benoît qui brise ce pesant silence.

-Je m'en voudrais de vous laisser seule ce soir, vous ne semblez pas en bon état.

Il a raison. Heureusement que la jeune femme est toujours sous traitement, car cet événement va sans nul doute raviver sa dépression. Elle se sent morose, sombre depuis l'annonce du coma de sa grand-mère. Alors par besoin de réconfort elle accepte la proposition de l'homme de dormir chez lui. Cette nuit Mélusine se laisse aller dans ses bras, ferme les yeux et s'endort dans la douceur d'une étreinte.

Après cette intimité partagée, il n'y a plus de gêne entre eux. Le lendemain elle le remercie pour son hospitalité, et fait la promesse de revenir bientôt. C'était un peu par la force des choses, néanmoins elle se sent bien avec cet homme. Il est gentil, attentionné, c'est une bonne âme, elle peut le sentir. Mais avant de revenir le voir, elle compte se rendre au chevet de sa grand-mère. Il faut qu'elle affronte sa peur de la voir dans cet état.

Grand-mère a été transportée à Unionpolis, dans un grand hôpital. Célestia est une petite bourgade, il n'y a rien pour la soigner là-bas. C'est ce que lui a expliqué sa mère au téléphone. La vieille dame ne s'est toujours pas réveillée, ça fait deux jours maintenant. Ses signes vitaux sont stables, mais son cerveau semble toujours sous le choc. Du moins c'est ce que pensent les médecins. L'annonce a été trop choquante pour elle.

En arrivant dans la chambre, Mélusine est prise par l'énergie qui s'y trouve. C'est sombre, négatif. Alors cette simple constatation lui permet de comprendre : grand-mère ne rouvrira jamais les yeux. Elle va s'éteindre, peut-être dans quelques jours, peut-être dans plus de temps.

-Oh grand-mère...

Elle s'installe à côté du lit et lui prend la main pour la serrer très fort. Ses yeux s'humidifient, elle les essuie rapidement. La jeune femme ne veut pas rester trop longtemps ici, cet endroit est trop rempli de mauvaises énergies - elle n'a jamais aimé les hôpitaux pour cette raison. Si elle est ici c'est pour rendre une dernière visite à la vieille dame, et lui faire une promesse. Mais pour l'instant elle profite d'un instant de silence à côtés.

Cette mamie a toujours été là pour elle, toujours sa plus grande source de soutien. Sans grand-mère Mélusine ne serait rien. Sûrement ne s'en serait-elle pas sortie après la crise de Darkrai. Oui, elle lui doit tant. C'est bien triste de penser qu'une femme aussi forte est maintenant dans cet état.

-Je ne me soumettrai pas aux rockets, je te le promets. Quoiqu'il se passe je resterai fidèle à cette promesse.

Une décision qu'elle a longuement réfléchie. Même si ça signifie devenir une de ces "laissés pour compte", la jeune femme ne flanchera pas. Elle préfère vivre libre que sous leur gouvernement. Une rébellion silencieuse qui se traduira juste par la non apparition du R sur ses vêtements. Le reste de la famille a déjà obtempéré, elle ne les juge pas. La voie qu'elle a choisie n'est pas désirable non plus, ce sera certainement dur.

Finalement elle se relève après avoir serré une dernière fois la main de sa grand-mère. Un adieu sans un mot. Celle-ci serait sûrement fière de la voir voler de ses propres ailes, rester fidèles à ses convictions. C'est ce qu'elle a toujours voulu pour ses petits-enfants. Mélusine quitte donc l'hôpital la tête haute.

En quittant l'hôpital elle se rend directement chez Benoît qui attendait son retour. Il ne pose aucune question sur la visite, la discussion tourne plutôt autour des derniers événements. Sans surprise la question du R est abordée. Mélusine affirme sa décision la tête haute, ne craignant pas de jugement de la part de l'homme.

-Vous avez donc choisi de ne pas le porter ? J'admire votre courage.

-Je n'appellerai pas ça du courage. Mais je ne le vois pas sur vos vêtements non plus.

Il soupire.

-En effet. Même si ils représentent aujourd'hui le gouvernement, les rockets ont fait trop de mal pour me résoudre à leur témoigner de la légitimité.

Ainsi ils pensent la même chose. Tous deux fidèles à leurs convictions. On dirait qu'ils se sont vraiment bien trouvés, en accord sur beaucoup de points. Aucun ne compte cependant se rebeller contre le gouvernement en place, celui-ci a bien laissé le choix à ses citoyens - bien que la situation de laissé pour compte ne soit pas enviable du tout. La jeune femme préfère cependant en devenir une.

Son frère était fou au téléphone lorsqu'elle lui a annoncé la nouvelle, disant qu'elle faisait une grave erreur. Mais elle a tenu sa décision jusqu'au bout. Gaël ne peut pas lui en vouloir, il reste son grand frère, alors il lui a juste demandé d'être prudente. Très prudente. Ce que la brune a promis sans hésiter. Pas question de faire de bêtises dans une situation aussi précaire.

-Que comptez-vous faire à présent ?

-Voyager je pense. J'ai besoin d'élargir mes horizons, et je ne me vois pas rentrer à la maison maintenant.

Sans grand-mère ce n'est plus chez elle. Et ça causerait trop de discorde entre sa famille et Mélusine, mieux vaut éviter. Heureusement elle a toujours des sous de côté pour se permettre de voyager, et puis elle compte essayer de poster des articles pour se faire de l'argent. On reste scientifiques dans sa famille après tout, c'est ainsi qu'on gagne sa vie.

Benoît semble pensif un moment, avant de hocher la tête.

-Accepteriez-vous que je vous accompagne ? Je ne peux pas rester ici, mon propriétaire me l'a fait comprendre. Et l'église ne serait qu'un refuge temporaire malheureusement.

Autant dire qu'il est mis à la porte. Il élabore en disant que vendre ses meubles rapporterait sans doute assez pour payer sa part. C'est vrai que voyager seule n'est pas forcément une bonne idée. Elle saurait se défendre en cas de soucis, néanmoins elle reste encore fragile psychologiquement. Alors elle accepte de l'avoir comme compagnon, après tout la jeune femme se sent bien avec lui.

C'est ainsi qu'ils se mettent en quête de vendre tous les meubles de Benoît avant qu'il ne doive rendre son appartement - le propriétaire a été compréhensif et leur laisse un peu de temps. En une semaine les lieux sont vidés, il est alors temps de partir.

Au passage le duo file récupérer les deux lixy à l'église, car ils se sont attachés à Benoît et Mélusine. Ces petits bonhommes ne seront donc pas séparés, pour le plus grand bonheur de la brune. Et ils sont entre de bonnes mains.