Plier ou supplier

A l'instant où l'annonce était tombée tu avais filé à la maison. Solange t'y attendait, faisant les cent pas à l'entrée de la pension. Elle se jeta dans tes bras dès que tu poussa la porte pour entrer. La pauvre avait du se faire un sang d'encre. Tu vis qu'elle avait clairement pleuré récemment.

-Eirin ! Tu vas bien ?!

-Oui tout va bien.

Pour toi en tout cas. Rassurant ta compagne, tu l'emmena vers le salon après avoir refermé la porte. Solange n'allait clairement pas bien. En même temps une annonce venait de secouer le monde entier. En passant dans les rues d'Ogoesse tu voyais déjà certaines maisons arborer le symbole des rockets. Pas encore la pension, ton épouse voulait certainement attendre d'en parler avec toi. Tu pouvais deviner son avis avant même la discussion.

Tu aida Solange à s'asseoir sur le canapé, faisant de ton mieux pour la réconforter. Elle tremblait un peu, ce qui était aisément compréhensible. Ce n'était visiblement pas le moment de discuter avec elle. Et en effet la jeune femme ne tarda pas à s'endormir dans tes bras, probablement épuisée par les événements. Toi-même tu l'étais et tu finis par sombrer dans le sommeil. Pour n'être réveillée que le lendemain par la petite voix de ton mew.

Solange dormait encore, tu décida de la laisser se reposer. Maria te rejoignit dans la cuisine si tôt qu'elle entendit du bruit. Avait-elle une idée de ce qui s'était passé cette nuit ? Elle souriait cependant son regard empli de sérieux trahissait tout autre chose.

-Bonjour maman !

-Bonjour ma chérie.

Meloetta sur les talons elle s'installa à table, attendant son petit déjeuner. Tu commençais à tout préparer lorsqu'elle brisa le silence.

-Maman a pleuré hier.

Ainsi elle l'avait entendue. Tu hocha simplement la tête, ne sachant que lui répondre. Tu étais en partie responsable de ces larmes d'être allée à Janusia pour ta mission.

-Il s'est passé beaucoup de choses hier, Solange est très fatiguée.

-Pourquoi il y a un R partout sur les autres maisons ?

Flûte. La petite avait du voir ça depuis sa fenêtre. Comment lui décrire la situation ? Maria comprenait beaucoup de choses, beaucoup trop pour son âge, et tu ne voulais pas qu'elle grandisse trop vite. Tu voulais qu'elle ait une enfance normale.

-Je t'expliquerai ça tout à l'heure, après avoir discuté avec Solange. Maintenant mange ma chérie.

Tu esquivais la question pour l'instant, tu n'étais pas prête à lui en parler. Sans compter que ton épouse trouverait mieux les mots que toi.

-Je sais ce que tu ressens, mais nous n'avons pas le choix.

Dans tes bras, Solange restait silencieuse depuis un moment. Elle refusait d'admettre que tu avais raison, et tu comprenais. Comme beaucoup d'autres elle avait souffert à cause des rocket, alors devoir arborer leur sigle... Forcément elle le prenait mal. Tu faisais tout pour la raisonner avant que vous n'ayez des problèmes. Une majorité des habitants avaient déjà mis le logo sur leur maison, sûrement par peur des représailles.

Tu ne voulais pas les imiter, tu étais prête à te défendre si il le fallait. Sauf que tu n'étais pas la seule impliquée là-dedans. Il y avait la pension, Solange, et surtout Maria, les deux dernières vulnérables en cas de conflit. Impossible de les emporter dans ton envie de révolte. Ainsi il ne restait qu'une solution : se mettre au pas. Au moins le temps de voir comment les choses allaient évoluer. Peut-être que ce n'était que temporaire.

La jeune femme secoua une nouvelle fois la tête, le regard suppliant. Tu caressa doucement son visage en te voulant rassurante. Elle finit par soupirer.

-Tu as raison. Je sais que tu as raison, c'est juste...

Nul besoin d'en dire plus, tu comprenais.

-Ça va aller. Il faut qu'on se plie pour notre bien et celui de Maria.

Quelques heures plus tard, la pension arborait le R caractéristique des rockets. Désormais vous suiviez officiellement le mouvement, en dépit de vos valeurs personnelles. Sans surprise l'enfant posa des questions en rentrant de l'école, surtout que ses amis n'avaient parlé que de ça toute la journée. Heureusement Solange trouva les mots pour lui expliquer sans la choquer. Il y avait un nouveau gouvernement, tout simplement.

Maria ne répondit rien, mais tu voyais à son regard qu'elle désapprouvait. Elle était pourtant un peu jeune pour réellement connaître les actions des rockets sans les avoir vécues. Tu sentais qu'elle allait te questionner un peu plus, et ce jour là tu devrais être prête à lui répondre.

Tu revenais des négociations face aux rockets, avec un keldeo très remonté. Arrivée à la maison tu força le poulain à se rendre dans le jardin pour se défouler, laisser ressortir un trop plein de colère. Tous les autres pokemons s'écartèrent, sentant qu'il valait mieux ne pas le déranger. Personne n'avait envie de se prendre un coup de sabot, à le voir ruer dans tous les sens. Ils ne l'avaient jamais vu aussi énervé.

Ça se comprenait, il venait de découvrir un tout autre monde que celui qu'il s'imaginait. Un froid et impitoyable, bien loin de l'idée de justice qu'il avait.

*-Je ne comprends pas ! Comment peux-tu t'allier avec des gens pareils ?*

Les autres pokemons restaient derrière toi, pourtant curieux de savoir ce qui se passait. Tes légendaires étaient les plus attentifs, sensibles à la colère de leur camarade. Sauf Milu qui avait déjà une idée de la situation, et s'était perché sur ton épaule comme à son habitude.

-Ce n'est pas ma décision keldeo, parfois nous n'avons pas le choix.

Il pouvait l'entendre, difficilement le comprendre. La société humaine avait encore des mystères pour lui, il ne s'imaginait pas qu'on ne puisse pas être décisionnaire de sa vie.

-J'ai des personnes à protéger. Pour moi c'est le plus important, c'est pourquoi je fais ce choix.

Enfin le poulain s'arrêta de ruer, visiblement touché par tes paroles. Normal, il était toujours sensible quand il s'agissait de protéger. C'était son devoir également.

*-Mais des gens vont mourir. Ils vont envoyer des innocents au combat !*

-Il y aura toujours des morts, c'est naïf de penser le contraire.

Tu venais de toucher un point sensible chez lui. C'était un peu ton but : réussir à le toucher suffisamment pour qu'il t'écoute et se calme. Profitant du choc, tu te rapprocha de lui pour t'accroupir à sa hauteur.

-Et c'est exactement pour ça que nous sommes là. Notre rôle est de veiller sur une majorité, d'éviter autant de victimes que possibles. Toi, moi, nos autres compagnons, nous allons protéger le plus nombre. Il y aura des blessés ou pire oui, des injustices également, mais on ne peut pas tout avoir malheureusement.

Tu ne soutenais pas l'idée d'impliquer la population entière dans la guerre contre les spectres, quand bien même ça concernait tout le monde. Au moins les rockets prenaient en compte les différentes forces de chacun.

Keldeo semblait enfin calmé. Enfin, aussi calme qu'il puisse être après tout ça.

*-Je veux que tu rencontres mes maîtres. Je veux entendre leur avis sur le sujet.*

C'était la deuxième fois qu'il parlait d'eux, les autres lames de la justice. Tu ne savais pas où les trouver, cependant tu promis au poulain d'aller les voir, avec lui.