Souvenirs

Quelques jours s'étaient écoulés depuis l'enterrement de Mortimer. Une ambiance un peu lourde régnait toujours en ville. Toi et Anaëlle profitiez d'un temps tranquille pour récupérer. Pas d'aventures, juste du temps entre amies. La rousse appelait régulièrement sa famille à Kanto, qui aidait à la reconstruction de leur ville. Comme tous, ils avaient souffert de l'occupation rocket, mais reprenaient espoir maintenant. Ton amie était heureuse de constater ça.

Vous étiez constamment accompagnées par certains de tes compagnons. Ellen, comme à son habitude. L'evoli shitai acceptait aussi de rester avec toi. Méfiant envers les autres humains, tu devais faire attention. Bien souvent, le duo d'évoli grimpait sur vivaldaim, ravie de transporter des camarades. Milu aussi faisait des siennes, occupés à vagabonder aux alentours. Tu ne le retenais pas, tant qu'il se gardait de faire des bêtises.

-Et si on s'offrait des vacances ?

L'idée provenant d'Anaëlle te tira une mine surprise. Assises à la terrasse d'un café, vous profitiez d'une boisson. Ton amie venait de lâcher sa proposition d'un coup, après un moment de silence.

-Où ça ?

Anaëlle venait de piquer ton intérêt. La pensée de décompresser un peu était très attirante.

-Dans les îles, style Alola, ou l'archipel Orange ! Juste loin de tout ça.

Un hochement de tête de ta part. La paille entre tes lèvres, son idée te fit sourire. Tu n'avais visité aucun des deux coins. Ils étaient assez éloignés des combats et des ennuis. Ça avait de quoi faire envie. Les deux destinations avaient du charme. Le choix allait se révéler difficile.

-Pourquoi pas !

Vous passâtes le reste de la journée à planifier vos vacances improvisées. Après de longues minutes de débats, votre choix s'était porté sur Alola. La région avait bonne réputation, des airs paradisiaques, et surtout des pokemon natifs. Visibles nul part ailleurs. C'était surtout ce qui avait motivé la décision. Anaëlle espérait peut-être y trouver un nouveau membre pour son équipe. Et pour toi aussi c'était l'occasion de les découvrir. Vous vous donniez donc plusieurs jours pour tout prévoir.

Cette perspective te faisait déjà rêver. Ça allait vous faire du bien. A vous deux, comme à vos pokemon. Eux aussi ont besoin d'un peu de repos, de détente. En revenant d'une balade, le duo tomba sur une vieille dame, visiblement en difficulté avec ses courses. Un pokemon bleu la soutenant de son mieux. Il était inconnu aux deux amies. Mais sans hésiter, elles proposèrent leur aide. Accompagnant la femme jusqu'à chez elle, où elle les gratifia d'un sourire reconnaissant.

-Merci jeunes filles. Je me serais cassé le dos avec ces sacs sans vous !

-Je vous en prie madame ! C'est normal.

-Vous êtes adorables. Allez viens Amaria, rentrons.

Les derniers mots étaient adressés à son pokemon. L'otarie lança un signe joyeux aux deux amies, avant de suivre la dame à l'intérieur. Tu échangea un regard avec Anaëlle, heureuse de votre geste. Une femme témoin de la scène vous interpella.

-C'est gentil de votre part d'avoir aidé madame Cooper. La pauvre a bien du mal depuis la mort de sa fille...

A votre air étonné, elle se frotta la nuque avec une légère gêne.

-Sa fille a été emportée par une maladie il y a quelques mois. Elle est seule avec le pokemon de cette dernière. Mais elle s'obstine à le considérer comme sa défunte fille, je crois qu'elle n'a pas bien conscience de sa mort. Enfin ! Désolée de vous avoir embêtées avec cette histoire. Bonne soirée à vous !

L'histoire t'avait tiré un pincement au cœur. Et une certaine résolution : aider cette vieille dame. Elle ne pouvait pas continuer à vivre dans une illusion. C'était mauvais autant pour elle que pour son pokemon.

Après ces explications, tu passas plusieurs jours aux côtés de Fiona Cooper. La vieille dame avait toujours besoin d'aide, et elle ne refusait pas un peu de compagnie. Ton amie aussi venait de temps en temps. Mais elle profitait surtout de détente, et de visiter les alentours. L'histoire de cette dame t'avait touchée. Et tu souhaitais à tout prix l'aider. Autant pour elle, que pour son pokemon. Le regard parfois triste de l'otarie ne t'échappait pas. Elle était malheureuse de cette situation, pourtant continuait à la soutenir.

En côtoyant Fiona, tu compris l'étendue de sa folie. Elle traitait réellement otarlette comme sa fille. Celle-ci en avait récupéré la chambre, la vieille dame lui choisissait parfois des tenues. Réellement persuadée que son enfant était encore vivante. Tu avais autant de peine pour elle, que pour son pokemon. Alors durant ces quelques jours, en douceur, tu entrepris de lui faire comprendre la vérité. C'était une mission difficile, mais la laisser s'enfermer dans l'illusion aurait été cruel.

Tu eus beaucoup de mal à déclencher un début de réaction. Fort heureusement, Fiona gardait de nombreuses photos. D'elle, de son mari, de sa fille. Petit à petit, tu l'amena à évoquer divers souvenirs avec eux. Vacances, anniversaires, soirées à cuisiner. Les récits étaient variés, et la vieille dame en parlait avec entrain. Une vision qui te fit sourire. On sentait à ses paroles que toute la famille avait été proche.

Puis vint un moment plus important : elle aborda la maladie de sa fille. Tu redoublas de prudence dans tes mots, pour être certaine de ne pas la brusquer.

-C'était héréditaire. Mon mari aussi a été emporté par cette maladie.

-Aussi ?

-Oh oui, malheureusement. Amaria était une brave petite, elle s'est longuement battue, mais ça n'a pas été suffisant.

Les yeux de la vielle dame s'embuèrent. Dans un rare instant de lucidité, elle venait elle-même d'énoncer la vérité. Tu devais saisir cette occasion. Doucement, tu pris ses mains, pour diriger son attention vers toi.

-Madame Cooper, vous le savez n'est-ce pas ? Votre fille nous a quitté, et celle que vous prenez pour elle est son ancien pokemon.

Peut-être a-t-elle toujours su, mais refuser de l'accepter. L'otarlette ramenait aussi sûrement des souvenirs trop vifs. Fiona pleura de longues minutes dans tes bras. Tu l'avais mise face à ses craintes, et elle devait à présent voir la vérité. Cependant, quelque part, c'était également un soulagement. Cette situation n'était saine pour personne.

La journée se conclut d'une visite au cimetière. Enfin, Fiona vint fleurir la tombe de sa fille. Témoignant par ce geste avoir ouvert les yeux.

-Jeune fille, je dois vous remercier pour le temps que vous m'avez accordé. Sachez que vous et votre amie serez toujours les bienvenues chez moi.

Un sourire se peignit sur ton visage. Tu n'aurais pas pu laisser cette femme à son désespoir. La récompense valait largement le temps pris.

-J'ai une ultime requête à vous formuler. Accepteriez-vous d'emmener otarlette ? Elle a besoin d'un vrai dresseur, qui prendra soin d'elle. Et je suis convaincue que vous le pourrez.

-Avec plaisir. Je vous promets qu'elle trouvera sa place dans mon équipe.