De profundis - Eva (keur)
De profundis - Eva (keur)
Jadielle - Soir - Kanto
Le trajet dans les voitures banalisées se fait sans encombre, et dans un silence qui se veut pesant. Du moins, jusqu'à ce que Stanislas, laissé en compagnie d'Eva Mayer sur le siège arrière, quand le commissaire et l'un des officiers sont chargés de les conduire, décide de briser la chape de glace qui s'est soudainement abattue dans l'habitacle.
" Je suis content que nous vous ayons trouvé. Je suis troublé de savoir mon frère impliqué dans des enquêtes. Je dois avouer que vous êtes une personne courageuse, altruiste... et chanceuse. Échapper à ces gangsters... En compagnie de mon pauvre frère. Croyez-moi, c'est une chance inouïe. "
Les bras croisés sur les genoux, le vieil homme ne regarde pas Eva, mais plutôt la route, droit devant lui.
" Je ne sais trop si vous avez pu le constater. Mais c'est un fait : mon frère est une personne... dangereuse. Pas dans le sens commun où on l'entend. Il est fou. Il n'a pas vraiment conscience de ce qu'il fait. Mais il est malade, et nous devons le soigner... ou tout du moins faire en sorte qu'il ne puisse pas nuire. "
Cette fois, il se tourne vers elle et lui sourit à nouveau. De ce même sourire triste.
" Je suis certain que vous comprenez. J'ai confiance. J'ai toujours eu confiance en la police. "
La cours de la gendarmerie de Jadielle n'est pas bien grande. Ils ont tôt fait de la traverser, pour rentrer par la grande porte dans le bâtiment gardé. Toutes les fenêtres ont ici leurs barreaux, et les cellules sont en sous-sol, comme le veut la tradition. Les Pokémon, quant à eux, sont tolérés, uniquement dans leurs Pokéball. Précautions obliges, elles sont remises aux policiers à l'entrée. Pourtant, Drogan ne prend même pas la peine de le rappeler à la jeune femme. Il la sait Ranger, et cela lui suffit pour penser qu'elle n'a pas besoin d'un chaperon. Il se contente donc d'introduire Mayer, Lannysser et le docteur Chagel dans les bureaux. Même à cette heure tardive, on s'active encore ici. On ne prête pas vraiment attention aux nouveaux venus, sinon de brefs et polis "bonsoir" affairés.
" Bien. Tout d'abord, voici l'affaire qui nous concerne aujourd'hui. Monsieur Archibald Lannysser est suspecté d'avoir attaqué et blessé trois personnes, ainsi que monsieur Stanislas Lannysser ici présent, qui bien heureusement s'en est mieux sorti que les autres. Les faits se sont déroulés il y a moins d'une semaine à Céladopole, et le suspect a été arrêté ce matin-même ici, à Jadielle. Il serait hypocrite de dire que la chose fut aisée, car bien que notre forcené semble être handicapé, il s'est débattu avec la rage d'un Rhinoféros... Ce qui explique en partie l'état lamentable dans lequel il se trouve. Le Docteur Chagel a été chargé de sa prise en charge dès lors que monsieur Lannysser ici présent nous a confirmé l'état de déficience mentale dans lequel le suspect se trouve. Un élément qui pourrait s'avérer crucial dans cette enquête. C'est dans le cadre de cette enquête, et de la prise en charge d'Archibald Lannysser que nous vous avons convoqué, mademoiselle Mayer. Vous connaissez la procédure ? Inutile donc de vous ennuyer avec les rappels. C'est le sergent Bonvoisin qui va prendre votre déposition. Il vous posera les questions habituelles. Répondez-y le plus précisément possible. "
Un bonhomme bien rond, son carnet de note en main, sourit à Eva et lui présente le siège qui lui est destiné. Il fait fort bien son travail : il pose donc à Eva les questions relatives à ses enquêtes aux côtés du suspect, ce qu'elle sait de lui et où elle se trouvait au moment des faits. L'interrogatoire, pourtant, peut sembler bien long pour quelqu'un qui ne tient pas en place.
Le bureau de Bonvoisin, fort heureusement, n'est pas hermétique, et ses côtés laissent voir plusieurs choses qui, si elles peuvent intriguer, peuvent aussi bien déranger un esprit qui saurait les déchiffrer. Le bureau du commissaire, au travers d'un store mal rabattu, permet de voir quelques sachets disposés sur une longue table. Au beau milieu, de belle taille, le fût d'une canne en bois se distingue. Elle aurait pu n'être rien de plus alors, car rien ne la différencie tant qu'une certaine autre canne. Une coïncidence, si tant est qu'il en soit, mais celle-ci n'a plus son pommeau. Lequel est disposé tout à côté, d'une façon telle qu'il laisse maintenant dépasser une lame argentée, d'au moins quatre-vint-dix bons centimètres, trempée d'un vermillon déjà sec et dur.
Lorsqu'ils sortent, le commissaire discute avec le docteur à côté de son bureau. Lequel est situé à l'angle du couloir qui mène aux salles d'interrogatoire. Ils se déplacent, Lannysser avec eux, vers la petite pièce qui jouxte la première. Et, au travers d'une vitre sans teint, l'on peut voir un trio d'un genre au moins aussi particulier que celui de la canne.
" D'ici il ne peut pas vous voir, confirme le petit homme chauve, et c'est mieux ainsi. "
Son œil noir s'allume alors quand il lui jette un regard en biais.
" Je ne peux pas vous demander de me raconter votre vie, mais il y a une chose importante... Cet homme répétait votre prénom comme un possédé quand on l'a amené ici. J'ai vu beaucoup de choses attristantes dans ma vie de psychiatre, vous pouvez me croire. Autant que celle-ci ma foi, très peu. "
Sa tête ronde se tourne vers la scène. Deux hommes, qui portent les atours des gens de l'hôpital, tel qu'on peut se les figurer, encadrent un troisième hère, engoncé dans une camisole de force, assis sur une chaise. Le visage à moitié caché par des cheveux filasses et décoiffés où l'on devine quelques mèches grises, l'individu menace à tout instant de s'écrouler sur la table qu'il a sous le nez. Un nez qui dépasse encore de ces crins morts, et qui, quand on daigne le redresser un peu, se retrouve saillir d'un visage si décharné qu'on l'eut cru appartenir, en effet, à un macchabée.
Archibald Lannysser - car c'était bel et bien lui - n'avait plus de lui-même que son nom.
Peut-être y aurait-il un regard, qui seul ne peut s'oublier, même dans les plus noires ténèbres, et tu seras celui-là.
Eva Mayer.
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Re: De profundis - Eva (keur)
Assise à l’arrière de la voiture, Eva restait extrêmement silencieuse, le regard rivé sur l’extérieur, de l’autre côté de la vitre. Elle en avait complètement oublié ses amis, ses invités, tout cela n’avait plus la moindre importance, tout comme sa petite personne. Une seule chose occupait désormais son esprit, enfin disons plutôt quelqu’un : Archibald. Elle lui en avait tellement voulu au cours de ces dernières semaines, elle s’était tant inquiétée pour lui … et maintenant elle se rendait compte que c’était à juste titre. Si seulement elle s’était donné plus de mal pour le retrouver, peut-être que tout ceci aurait pu être évité. Hélas, il était trop tard pour culpabiliser maintenant, d’autant plus qu’au fond, elle avait fait tout ce qu’elle pouvait, avec le peu d’informations qu’elle avait. Elle-même avait bien failli mourir en mer entre les mains de la Team Aqua au cours de l’été après tout. Archibald avait eut juste moins de chance qu’elle. Eva était pressée d’arriver au commissariat afin d’en savoir plus sur toute cette affaire, visiblement grave. On n’envoi pas un convoi comme ça, juste pour un vol de petit pain. Elle avait juste envie de retrouver son bien aimé, de savoir ce qu’il lui était arrivé, de s’assurer de sa bonne santé. L’aîné des Lannysser prit la parole et aussitôt, Eva su qu’elle allait le détester. Quel image avait-il dont de son propre frère ? Il parlait de lui comme d’un pauvre handicapé, incapable de se réaliser quoi que ce soit par lui-même. Du moins, c’est ainsi qu’Eva le perçut. La brune ne manqua pas de lui lancer un regard noir, lourd de jugements, mais Stanislas l’ignorait. Il poursuivit son « discours » comme si de rien n’était et la brune se demandait s’il arriverait vivant au poste de police ou si elle l’étranglerait avant. Enfin, Stanislas daigna se tourner vers elle, il souriait, tout le contraire de la brune à ses côtés. - Je ne m’avancerais pas à votre place. On entendait nettement un arrière fond de colère voire de brutalité dans sa voix. Archibald était sans aucun doute étrange, dans son monde, mais il n’était en rien un fou et encore moins une personne dangereuse. Rien que dans son regard on pouvait y lire la douceur même ainsi que l'amour. Il avait été là pour elle depuis ce fameux jour sur ce quai. Elle ne laisserait personne salir son image. Si quelqu’un avait le droit de le faire, c’était elle. Et là n’était pas son intention. Quelques heures auparavant, elle aurait été la première à blâmer Archibald, désormais elle était la première à le défendre. Dans la voiture, Eva se sentait désespérément seule maintenant. Ces individus, quel qu’ils soient, n’étaient pas de son côté, ni de celui d’Archibald. Elle ne pouvait pas leur faire confiance. Si Archibald avait besoin d’elle, elle serait donc la seule sur qui il pourrait compter. Remontée comme un coucou, la Ranger descendit de la voiture et fit revenir Mentali dans sa Pokeball. Le chat ne fit preuve d’aucune résistance, ressentant toute la tension chez sa maîtresse. Moins coopérative que lors des premières minutes, la brune suivit en silence le groupe dans les couloirs. Drogan parlait d’un homme et Eva ne reconnaissait pas en lui Archibald. Comment aurait-il pu agir de la sorte ? C’était impossible. En tout cas, elle était maintenant convaincue qu’il se trouvait ici, sans doute enfermé dans une autre pièce. La situation était plus grave qu’elle ne l’aurait crue. Prenant conscience de cet état de fait, Eva prit place sur le siège qu’on lui indiquait. Le sergent qui lui fit face fut d’un professionnalisme à toute épreuve. Répondre aux questions relatives aux missions ne fut guère compliqué. Elle ne manqua pas d’ailleurs de redorer le blason d’Archibald, en l’évoquant comme un parfait agent de terrain. Elle affirma sous serment qu’il était quelqu’un de bien, fiable, sincère et d'altruiste. Rien à voir avec la description qu’on lui avait donné. Elle ne comprenait pas comment Archibald aurait pu se montrer violent, du moins sans raison. Tout cela devait être un complot ou une manipulation. Quant-à parler de ce qu’elle savait d’Archibald et de son passé, ce fut autre chose. Eva préféra rester vague, de toute façon elle ne savait rien d’autre que ce qu’il avait bien voulu lui dire. Au fil des minutes et des questions, l’attention d’Eva se fit plus faible. Son regard fut attiré par des objets sous emballage sur une table, dans la pièce d’à côté. A vu d’œil, Eva cru reconnaître la canne d’Archibald. Il y avait aussi un pommeau, dissimulant une lame tacheté. Merde alors ! La police aurait-elle dit vrai ? Impossible. Il devait y avoir une autre explication. Répondant aux dernières questions, Eva fut enfin libérée et retrouva les autres dans le couloir. Elle commençait à douter de son propre jugement et détestait cela. Les suivant, elle se retrouva face à une vitre. De l’autre côté, trois individus, dont un assis et sous camisole : Archibald. Eva eut l’impression qu’on lui enfonçait un poing dans l’estomac. Il était à peine reconnaissable. Si seulement elle pouvait croiser son regard … elle saurait en une seule seconde s’il avait réellement perdu la raison et surtout son âme. Le regard ne trompe pas, il est le reflet de l’âme. Archibald était le premier à le dire d’ailleurs. Le psychiatre tenta une approche, plutôt bonne, pour faire parler Eva. Mais la brune resta de marbre. - Laissez-moi lui parler. Eva n’avait pas beaucoup d’espoir quant-au fait qu’on réponde favorablement à sa requête. Elle exigeait des choses sans être particulièrement coopérative de son côté. En même temps, le psy devait bien avoir conscience que si Archibald réclamait Eva, c’était sans doute qu’elle était la seule personne pouvant leur permettre de faire avancer l’affaire. A elle, il parlerait. |
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Re: De profundis - Eva (keur)
Jadielle - Soir - Kanto
Ce regard pouvait aussi bien être celui d'une Kangourex à qui l'on vient de prendre son petit. Stanislas avait senti le tranchant de l'acier de ce regard-là, comme un couperet de plusieurs kilogrammes qui effleure la peau d'une nuque fragile. Drôle de sensation, pense-t-il en observant le dos de la jeune femme qui s'en va vers le bureau, mais pas désagréable.
Il ne la quitte pas du regard, persuadé qu'il y a quelque chose à attendre, à comprendre. Mais il sent toute l'inimitié qu'elle lui témoigne. C'est presque touchant. Il finit par se détourner et se dirige vers la salle d'observation, silencieux. De l'autre côté du miroir, il scrute le dos voûté et l'écran de cheveux qui cachent maintenant le visage qu'il connaît si bien. Son regard erre, se fixe. On ne saurait pas vraiment mettre d'adjectif sur un tel regard, mais il ne dure qu'un instant.
" Laissez-moi lui parler.
-Je ne pense pas que ce soit bien prudent. Ses dernières réactions ont été pour le moins agressives, et une nouvelle dose de calmant ne serait pas très bonne pour sa santé vacillante. J'appréhende sa réaction si... "
La moue renfrognée du docteur est sincère et même inquiète. Mais il est interrompu par une autre voix, calme et posée. Réfléchie.
" S'il doit partir pour être soigné, docteur, c'est certainement mieux qu'elle puisse lui parler dès à présent. Mademoiselle Mayer pourra sans aucun doute faire avancer l'enquête. "
Le commissaire regarde Stanislas avec une pointe de surprise, puis, assuré, opine du chef avec gravité.
" Dans ce cas, une courte entrevue est envisageable. Souhaitable, même. Mademoiselle Mayer connaît son métier, elle saura sans doute s'en faire écouter. Docteur, entrez en premier par mesure de précaution. Nous restons à portée en cas de problème. "
Alors on ouvre, avec toute l'application due à une telle décision. Le lourd battant ne grince pas, se contente, comme un majordome s'effaçant, de laisser la silhouette claire succéder au petit homme chauve dans la pièce à l'atmosphère irréaliste.
"Hm-hm. Monsieur Lannysser ? Je vous amène une personne qui souhaite s'entretenir avec vous. Vous la connaissez, semble-t-il. "
Pas de réponse. Est-il mort ? Fait-il semblant de l'être ? Une figure pourtant bien réaliste. Seulement, après un temps infini, passé dans un silence trop cruel pour être anodin, l'intéressé semble émerger d'un horizon si lointain qu'il n'est connu que de lui seul. A sa tenue épouvantable s'ajoute un être ébahi, ébloui par le peu de luminosité qu'offre l'endroit. Il ne sait sans doute même plus où il se trouve, et même, cela ne l'intéresse plus.
" Mademoiselle Mayer." Souffle le docteur à la concernée.
Une mèche devenue presque cendre tombe, lâche et maigre, et le visage aux yeux caves se relève timidement vers celui de cette inconnue qui s'est aventurée dans l'au-delà, figé entre quatre murs. Avant que tous ne puissent envisager de devenir maître de la situation chacun à leur tour, l'ombre humaine les a devancé.
Combien de temps, combien d'éons nous séparent désormais ? Je ne sais pas, je ne l'ai jamais su. Mais est-ce seulement toi ? Ou n'est-ce encore qu'un tourment plus cru, plus vrai, plus terrible ? Ai-je le droit d'y croire ?
" Eha... "
Espoir. Peut-être, encore, dans la brume, indistinct. Comme l'on revient à la vie après avoir erré parmi les morts depuis les tréfonds glauques de catacombes sans issues. Un souffle, empli de triste mélancolie, de pâle grisaille. Puis, l'eau ruisselle, doucement, jusqu'à la raison qu'elle irrigue de nouveau, faisant reverdir une conscience qui n'existait plus qu'en songe.
" EVA ! "
C'est un cri, non, un hurlement, sauvage et dément, inespéré, d'un autre monde. C'est une voix, qui, même brisée, rauque et bancale, trompette comme mille lions rugissants. L'espoir fait vivre, diantre, mais il sait aussi vous animer comme un pantin désarticulé, même quand tout votre corps a jeté l'éponge. C'est ce qu'il advient, quand enfin son regard croise le sien. Les jambes raides et osseuses parviennent par on ne sait quel miracle à soutenir l'édifice précaire, qui se dresse d'un bond, surprenant derechef les deux soignants, pris de court par tant de soudaine réactivité.
" EVAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHR ! "
Il se rue en avant, mais il ne tient pas, bascule en trébuchant avec force maladresse, et les paires de bras, bien plus robustes que les siens, le rattrapent tantôt. Il faut pourtant bien deux hommes forts pour retenir le sac d'os déluré, dont le visage tient plus de l'animal pris au piège que du damoiseau émerveillé. La cage de bandes grises qui l’enserre comme un serpent affamé se tend avec violence sous l'assaut désespéré. L'on tente de lui faire entendre raison, mais sait-on, au fond, ce qu'il en est ? Non, et il n'entend rien, car seul là-bas, près des yeux d'eau pure, est son vrai salut, le seul qui vaille.
" S'il vous plaît, restez calme, d-DOUCEMENT... ! "
BAM. La tête vole dans le visage du pauvre larbin, qui recule en titubant, la mâchoire endolorie. On s'agite, la police s'en mêle et le médecin lance, ferme : " Sédatif ! " Ce que l'on apporte. L'aiguille est plantée comme l'on peut, jusqu'à la garde, tandis que l'Archibald, maîtrisé, gît à terre, agité de spasme - ou, peut-être bien, de sanglots, on ne sait plus. Il veut se battre encore, mais ne le peut pas.
" EVAAAA-HAaAAAaaAaAAAAAaAhrrrg...!!! "
Dans la prunelle étrécie par la rage et la peur, vient rayonner l'appel déchirant d'un loup qui hurle à sa Lune insaisissable. Ses épaules s’affaissent enfin, la drogue lui retire ses dernières forces, et on le lâche, car il n'est plus qu'une loque face contre terre, les yeux vitreux, tournés pourtant vers un autre qu'il veut revoir encore, toujours, jusqu'à la toute fin.
Ne me laisse pas, ange des cieux. J'ai revu la lumière. Je ne veux plus. Ne les laisse pas me prendre, ne les laisse pas m'emporter.
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Re: De profundis - Eva (keur)
Il n’y a rien de plus difficile et insupportable en ce monde que de se sentir impuissant. C’était justement le cas d’Eva à cet instant. Elle se sentait complètement démunie, du bon côté de la vitre. Archibald n’était plus que l’ombre de lui-même. Quelle épreuve avait-il donc bien pu traverser pour en arriver là ? Eva doutait que tout cela ait un rapport avec la Team Rocket ou les Shitai, ça ne collait pas. Ce n’était pas dans le style de l’organisation de rendre les gens fous. C’était comme si Archibald avait vécu un profond traumatisme plutôt. Pendant ce temps, le psychiatre et le frère du détenu argumentaient en faveur, ou non, de la demande de la Ranger. Finalement, ce fut le commissaire qui trancha. La réponse fut positive, au plus grand étonnement de la jeune femme. C’était presque trop facile. Maintenant qu’elle se trouvait derrière la porte, Eva se demanda si c’était réellement une bonne idée que d’entrer là dedans. Elle ne reconnaissait pas Archibald. Lui, la reconnaîtrait-il ? Rien n’était moins sure. Le docteur passa le premier, par mesure de sécurité. Il signifia au « patient » la présence de la demoiselle et son absence de réaction laissait Eva septique. Ça s’annonçait plus compliqué que prévu. La drogue qu’on lui avait administrée devait surement encore faire effet, ralentissant ses pensées et mouvements. Eva espérait que c’était juste cela. Enfin, il bougea. Archibald releva la tête, péniblement, laissant découvrir son visage qui faisait penser à la mort elle-même. C’était terrifiant, dénaturé. Eva tenta aussitôt de croiser son regard, mais il se faisait désespérément vide. C’était comme si il n’y avait personne dans ce corps, plus de sentiments, plus rien. Le calme qui régnait jusque là dans la pièce fut brisé en l’espace d’une seconde, brutalement. Eva prit peur, sans le vouloir, faisant un pas en arrière pour atterrir dos contre mur. Archibald, celui qu’elle aimait plus que tout, l’effrayait. Son bien aimé était comme possédé par le démon, se ruant comme une bête sauvage. Les médecins furent obligés d’intervenir. Les larmes montaient aux yeux de la belle, qui tourna volontairement le dos à la vitre pour que les autres ne la voient pas. Archibald agressa l’un des médecins, avec une force qu’Eva ne lui connaissait pas. La scène était extrêmement pénible et douloureuse à regarder. La jeune femme ne savait pas comment réagir ni quoi faire pour l’apaiser. C’était un cauchemar. Archibald l’appelait à l’aide mais elle était incapable de lui porter secours. Tout cela sortait de la normale, de ce qu’elle maîtrisait. En quelques secondes, grâce à l'injection, le calme retomba. - Laissez nous seuls un moment je vous pris. Demande complètement folle, mais surement moins que le patient en face d’elle. Eva ne prêta aucune attention aux yeux ronds qui se tournaient vers elle. Pour appuyer encore un peu plus sa demande, elle reprit : - Il ne me fera rien. Et si ça peut vous rassurer : je sais me défendre, il est sous contention et à la dose maximale de sédation. Sortez et fermez la porte. Eva insista de son regard, principalement en direction du docteur, chef de l’équipe. Elle ne leur laissait pas le choix. Après de longues secondes qui parurent interminables, ils sortirent, laissant les deux amants à leur tourment. Avec douceur et une certaine appréhension, Eva s’approcha de son compagnon afin de se mettre à sa hauteur, dans l’espoir de le retrouver. Même de si près, elle n’arrivait pas à le reconnaître, ça en était troublant et triste. - Que vous est-il donc arrivé mon ami? Doucement, Eva dirigea sa main droite vers le visage d’Archibald, pour repousser ses cheveux et découvrit plus attentivement son visage. Si Archibald se cachait là dedans, quelque part, elle se devait de le trouver. Ps: je me permets une petite intervention, si soucis mp. ♥ |
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Re: De profundis - Eva (keur)
Jadielle - Soir - Kanto
Froid. Dur. Le sol lui avait meurtri la pommette, mais étrangement, cette sensation glaciale n'avait pas été bien plus pénible que de sentir les bras le retenir, l'éloigner même, de l'objet de son geste désespéré. Comment ? Pourquoi ? Tout cela, Archibald Lannysser s'en moque éperdument. Ce n'est que lorsqu'il se retrouve le nez contre le carrelage qu'il cesse enfin de se débattre. Quelque chose se trame. Il n'est pas en état de comprendre, réellement, la teneur de cette scène, mais on le lâche, on le laisse. C'est tout ce qu'il souhaitait.
" Laissez nous seuls un moment je vous prie. "
La voix paraît si lointaine qu'il l'entend à peine. La peur a gagné, l'espace d'un moment, a submergé les digues pourtant si patiemment érigées. On l'avait mis à terre, physiquement comme mentalement, et maintenant ? Va-on aussi lui enlever ce à quoi il tient le plus ? Le seul rayon d'amour qui avait percé sa solitude ?
" Que vous est-il donc arrivé mon ami ? "
Tout son corps avait tressailli sous cette providentielle caresse, comme un souffle, un soupir venu du Ciel et retombant lentement sur son monde meurtri. Le son de sa voix est si doux. Archibald ferme les yeux, laissant le contact envahir tout ce qui lui reste de vaillante pensée. Une larme silencieuse coule sur sa joue creuse, se perd sur le carrelage. Et, au même instant, une esquisse d'un frêle sourire, presque hésitant. Incrédule : est-elle réellement là ? Devant lui ? Si près ? C'est inespéré... Les miracles existent-ils ?
" Eva. "
Cette effort, surhumain, lui arrache plus un râle qu'un mot, qui vacille dans le silence, incertain, trop heureux et trop triste à la fois, pour n'être qu'un simple mot. C'est tout un monde, une espérance... Archibald tente de lutter contre la drogue et les élastiques, se redresse de quelques centimètres, tendu comme un arc contre toute cette maudite pression qui veut l'éloigner d'elle. Mais tandis qu'il cherche désespérément à garder près de lui cette main si douce, cette vision merveilleuse, le réel est le plus fort. Il retombe de toute sa masse contre le sol, vaincu. La respiration sifflante, ses yeux fixent avec désespoir celle qui le regarde avec tout autant de détresse. Il ne veut pas la voir ainsi, il enrage, mais qu'y peut-il ? Le piège s'est refermé avec une effroyable efficacité. A l'heure qu'il est, son auteur ricane tout seul devant tant de souffrance.
" Neb... Ne m... Je... Je... "
Les mains invisibles le malmènent, et la lutte devient physique, brutale. Non ! Non ! NON !
"Soixante !!! "
Ne panique pas. Essaye, encore ! Les yeux éperdus rencontrent enfin les prunelles opalines, et un rire nerveux, fêlé, désespéré, lui échappe. Elle est là. Elle est là ! Et lui ? Où est-il ? Qui est-il ? Rien, il n'est plus rien ! Jamais il ne pourra mériter son pardon.
"Il y en a soixante... Eva. Eva... "
Je voudrais. Seulement...
Me blottir contre cette lumière que j'ai si longtemps cherché. Sentir, de nouveau, cette présence inoubliable. Fermer les yeux. Dormir. Enfin... Pour l'éternité.
Des mots inaudibles se forment sur ses lèvres, avant que ses yeux ne roulent dans leurs orbites, emportant avec yeux l'esprit muselé, prisonnier de son propre corps.
Je. Vous. Aime.
De l'autre côté de la vitre sans teint, les paires d'yeux épient sans gêne ce drôle de couple, incapable d'entendre quoi que ce soit, tandis qu'Eva leur tourne le dos.
" Vous croyez que ça nous mènera quelque part ? "
Le docteur nie fermement.
" Non, bien sûr que non. Avec la dose de cheval qu'il s'est pris, il n'en a pas pour une minute.
-Alors pourquoi la laisser ? Est-ce bien raisonnable ?
-Ce n'est pas plus raisonnable qu'autre chose. Vous tenez à ce que cette histoire se termine ? Laissez-moi un peu faire mon travail. Nous parlons d'êtres humains, que diable, pas de cartons à empiler. "
A l'arrière, l'aide soignant se fait poser un pansement sur le nez, et lorgne sur la porte avec un mélange de peur et de colère. Stanislas Lannysser, les bras croisés derrière le commissaire, reste parfaitement silencieux.
" Que fait-elle exactement ? Docteur, vous devriez aller vérifier qu'il va bien... "
Le petit homme consulte sa montre.
" Cinq minutes, nous avons dit. Nous en sommes à trois et dix secondes. "
Son regard inquiet se perd sur les plis des cheveux bruns, un peu plus loin en contrebas.
Dernière édition par Archibald Lannysser le Lun 14 Mai - 20:59, édité 1 fois
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Re: De profundis - Eva (keur)
Archibald réagissait à son contact, c’était déjà bon signe. Tout espoir n’était pas perdu. Mais il était si lointain. Eva commençait réellement à douter du fait que sa simple présence serait suffisante pour ramener son bien aimé à la réalité. Ce n’était plus lui, était-il perdu définitivement ? Elle n’osait le croire, malgré ce tableau affligeant. Seul son nom résonna dans la pièce, dans un murmure, comme un appel au secours. Chaque mot qu’il prononçait enfonçait encore un peu plus profondément la lame dans le cœur de la brune. Si elle avait un jour douté de l’amour qu’Archibald lui portait, elle, n’avait aucun doute sur le sien. Cette souffrance ne serait pas sienne sinon. Eva avait besoin de temps, hors il était limité. Cette fichue drogue risquait de tout foutre en l’air et de gaspiller la chance unique de cette rencontre. Mais que faire ? Désemparée, il n’y avait pas d’autre mot pour qualifier Eva. Dans un effort surhumain, Archibald bredouilla quelques mots, hélas incompréhensibles. Fronçant les sourcils dans un vain espoir de compréhension, Eva du se résoudre à abandonner. Tout cela ne voulait rien dire pour elle. Sans plus de détails, sa quête s’avouait perdue. Mais hors de question de se résigner plus longtemps. Mentalement, la jeune femme s’infligea une gifle pour se donner du courage et se sortir de là. Archibald tentait de communiquer avec elle, il fallait l’aider. - Soixante quoi ? Aidez-moi à vous sortir d’ici. Eva caressa doucement son visage pour tenter de le ramener à elle. Cela avait fonctionné la première fois. Une solution alternative s’imposa alors à elle. Pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt, bordel de merde ! Si seulement cela pouvait marcher … Laissant à son cauchemar Archibald l’espace d’un instant, elle se tourna vers la vite et s’avança jusqu’à l’interphone pour communiquer avec le petit groupe de l’autre côté. Elle ne les voyait pas, mais elle savait qu’ils étaient là. Eva les considéraient un peu comme des abrutis, s’extasiant devant un spectacle. Il ne manquait plus que le popcorn. Heureusement, ses pensées restaient secrètes. - Je tente une autre approche. Laissez-moi du temps, je vous en supplie. Je sais que ça peux fonctionner. N’entrez sous aucun prétexte. Difficile de dire, vu d’ici, s’ils étaient d’accord ou non. Eva espérait que son petit charisme faisait toujours son effet. Retournant près d’Archibald, elle décida délibérément d’enfreindre une règle du poste. Prenant la Pokeball de Mentali, elle fit apparaître le chat du diable à ses cotés. Depuis qu’elle avait combattue Morgane à Safrania, Eva avait réussit à apprendre à son Pokémon à communiquer par télépathie. Tout cela restait bien sure encore très frais, par manque d’expérience … mais si Mentali pouvait entrer dans la tête d’Archibald pour communiquer avec lui, alors peut-être en saurait-elle plus. D'abord perplexe, le Pokémon félin observa Archibald. Il n’eut aucun mal à le reconnaître, mais semblait contrarié voire méfiant. Il feula, comportement plutôt étrange chez ce Pokémon pacifiste. D’un regard, Eva l’incita à se calmer. - J’ai besoin de toi mon ami. Concentre toi, entre dans sa tête, je veux savoir ce qui se passe, ce qui lui est arrivé pour qu’il se retrouve dans cet état. J’ai confiance en toi. Mentali, septique, finit par acquiescer et s’assit devant Archibald. La sphère sur sa tête se mit à briller d’un rouge éclatant. La télépathie entrait en action. Eva croisait les doigts pour que son plan fonctionne et que son Pokémon soit suffisamment fort pour réussir cet exercice périlleux, surtout dans ces conditions. |
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