Le Docteur Ernest Brown

Le Docteur Ernest Brown

Décembre 2021

- Bien, comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Les séances commençaient souvent comme ça et ce nouveau thérapeute ne semblait pas faire acception. Noky avait du laisser son ancienne psychiatre de Rosalia pour en trouver un nouveau ici à Safrania. Le Docteur Ernest Brown. Il était l’image type que l’on pouvait se faire d’un psy, vraiment. Plutôt vieux, la barbe blanche bien taillé, les lunettes, le vieux cahier marron où il écrivait ses notes au stylo bille, pas d’ordinateur. Il travaillait à l’ancienne. Eva appréciait ce détail.

- Bien, je suis ravie de vous rencontrer, merci d’avoir pu trouver de la place si rapidement. Mon déménagement est arrivé plus tôt que prévu.

Il la scruta par dessus ses lunettes en demi-lune, tentant d’appréhender son nouveau sujet. Le Docteur Ernest était connu au Kantô, il avait soigné bon nombre de gens, plus ou moins connus et la police en faisait partie. Recevoir la « grande » Eva Mayers ne lui faisait donc ni chaud ni froid. Il ne la connaissait que de réputation et par son dossier médical qui lui avait été transmis tout droit de Johto. Il avait passé de longs appels avec sa collègue là bas afin de pouvoir prendre avec efficacité le relais de cette dernière. Inutile de reprendre la thérapie depuis le départ parce qu’on change de psychologue, cela serait contre bénéfique.

- C’est une grosse décision que vous avez pris là. Vendre la maison et l’élevage qui vous avait abrité vous et votre mère durant ces dernières années… cela n’a pas du être simple ? Qu’est ce qui vous a poussé à le faire ?

Eva était assise face à lui, dans un fauteuil couleur pourpre. Démolosse était allongé, ses pieds, docile.
Eva n’était clairement plus la même que durant le printemps qui avait connu sa chute. Elle avait prit du recul, soigné sa dépendance causée par les légendaires chimériques, trouvé une nouvelle stabilité. Elle savait qui lui manquait toujours quelque chose, ce quelque chose étant l’amour, mais désormais elle laissait de la place pour ce dernier, si un jour il venait à se présenter à nouveau.

- L’élevage était avant tout pour ma mère, lorsqu’elle avait perdu sa maison et son travail au Kantô durant le règne de Giovani. Ma mère n’étant plus de ce monde, ce centre n’avait plus d’utilité sous mon nom. Je suis une dresseuse avant tout, pas une éleveuse.

Elle marqua une pause, continuant, sachant que le Docteur voulait en savoir plus. Cette simple réponse ne lui suffirait pas.

- J’étais venue à Johto pour me réfugier en quelque sorte. Je n’en avais pas conscience à l’époque mais ce n’était que temporaire. Ma maison, ma véritable maison, cela a toujours été le Kantô. J’y suis née, j’y aie tous mes souvenirs, un soutien. J’y aie grandi et j’ai tout appris ici. Je devais revenir aux sources. C’est naturellement à Argenta que j’ai élue domicile. Cette ville me connaît autant que je la connais. C’est un havre de paix au cœur de la montagne du nord. Le calme, la solitude y est paisible lorsqu’on en a besoin. Mais il y aussi les amis que j’ai autrefois connus, mes repères. J’avais besoin de cela pour faire le point, repartir sur une base propre. C’est un nouveau départ, plus saint.

Le psychiatre semblait réfléchir mais Eva était convaincue parce qu’elle disait. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait bien dans ses bottes. Plus calme, plus mature peut-être encore, collant avec sa quarantaine qui avait sonné malgré elle. Ernest se posa au fond de son fauteuil, l’observant.

- Cela signifie que vous avez changé ? En quoi ? … si je puis me permettre.

Question piège surement. Toutes les questions et réponses étaient transmises à Charly depuis des mois, depuis sa mise à pieds. Mais Eva avait réellement changé.

- On m’a souvent dit par le passé que j’étais une acharnée de travail. Et c’était vrai ! J’avais beau le savoir, je continuais malgré tout, parce que les gens avaient besoin de moi et que je n’acceptais pas de déléguer.

Elle semblait sincère en avançant au bord de son fauteuil, regardant Ernest dans les yeux.

- Cela m’a coûté beaucoup. A moi mais aussi à mes compagnons. A force de trop tirer sur la corde elle casse. Je ne l’ai compris que le jour où s’est arrivé.

- Durant votre dernière mission ?

Elle acquiesça en silence avant de poursuivre sur ce qu’elle disait.

- Je ne commettrais pas deux fois la même erreur. J’ai une vie et j’ai déjà trop perdu à ne pas en profiter. Je dois accepter que je ne puisse pas toujours tout faire pour tout le monde, que parfois ils doivent se débrouiller par eux-mêmes. Vous voulez une preuve que j’ai changée ? En voici une. Pas plus tard qu’il y a 4 jours, le jour de mon retour au Kantô, Bryan, chef des Sauveurs et maire de la ville, est venu me voir, pour me proposer un poste à haute responsabilité sous son autorité. J’ai refusé. L’ancienne Eva aurait accepté, pour œuvrer au Kantô. Mais je suis Agent International et je ne peux plus encaisser plusieurs rôles au risque de me perdre moi-même. Il y a mon travail mais aussi ma vie que je reprends en main. J’apprends à prendre du temps pour moi, à faire des choses en dehors du travail.

- Intéressant, comme quoi ?

Le psychiatre semblait réellement intrigué par ce bouleversement chez Eva.

- L’histoire notamment. J’ai renoué avec le musée d’Argenta où mon père travaillait autrefois. On apprend beaucoup du passé, des légendes perdues. Je l’ai appris à mes dépends. Je ne fais pas cela dans le but d’être lus opérationnelle au travail mais réellement parce que je trouve cela intéressant de découvrir l’origine des choses. Le « pourquoi » on en est arrivé là. J’apprends aussi beaucoup sur mes Pokémon. Certains sont particuliers, vous le savez surement. Etudier leur histoire pour mieux les comprendre est important pour moi aujourd’hui.

Elle pensait à Méga Ptéra mais aussi à Zacian, toujours en sa possession. L’épée était restée à sa maison à Argenta. Elle savait que si elle ne récupérait pas son poste, elle aurait néanmoins cette promesse à tenir à ce Pokémon. Du moins, si la menace venait à éclater de son vivant.

La séance s’étendit encore un peu, évoquant son désir de renouer avec son travail, tout en sachant accepter des congés, de se reposer, de voir des gens à l’extérieur. Eva semblait décidée à entamer une nouvelle vie, à savoir tout simplement dire non.


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