Le Procès II (libre)

C'était le jour J. Celui où Wallace devait comparaître au tribunal de Doublonville afin de témoigner. Lui et sa famille étaient arrivés la veille, prenant une absence à l'académie pour l'occasion. Ils étaient restés dormir chez les grand-parents du garçon. Un moyen d'être sur d'arriver frais et dispo. L'adolescent n'était pas chaud à l'idée de se rendre là-bas. Mais ses parents avaient insisté. C'était important que justice soit faite pour ce qu'il lui était arrivé. Et surtout, cela aiderait le garçon à passer à autre chose. Lui, n'était pas convaincu. Ils avaient attrapé cette femme. Mais les autres fauteurs de trouble couraient toujours. Mais poussé par les arguments logiques de sa famille, l'académicien accepta.

Il n'était jamais allé dans les rues où se trouvait le tribunal d'instance. Et il aurait souhaité ne jamais s'y rendre. Les journalistes étaient là, prêt à l'accueillir lui aussi. Là où ils avaient usé du ton accusateur envers Eva Mayers, les requins de la presse cherchaient la pitié dans les mots du garçon.

"Est-ce vrai que l'agent Mayers a souhaité vous achever alors que vous étiez déjà au sol ?"
"Avez-vous des séquelles suite à l'accident ?"
"Pensez-vous que la Team Rocket dispose d'autres agents doubles au sein des forces de police ou des services publiques ?"
"Qu'avez-vous ressenti lorsqu'Eva Mayers vous a violenté ?"

Il les ignora tous. Toutes ces questions, et bien d'autres encore étaient intrusives et gênantes. Il ne partageait déjà rien, ou trop peu de chose, avec son entourage sur le sujet. Il refusait catégoriquement d'ouvrir la bouche pour nourrir les scandales de sa région. Durant un instant, le rouquin crut faire demi-tour. Mais le regard insistant de ses parents lui fit se souvenir d'une chose. Eux aussi avaient été marqué par l'accident. Ce procès, c'était peut-être leur moyen à eux, de pouvoir avancer.

Ses parents lui avaient souligné de ne surtout pas évoquer cet accident avec les tags. Il ne fallait surtout pas que les jurés pensent que leur fils était un délinquant. Le garçon leur répondit qu'il n'était pas idiot. Pourtant, il ne s'ôtait pas de la tête que ce qu'il avait fait, c'était là un acte de délinquance. Il avait peint sur le commissariat avec ses camarades. Et cela lui avait fait du bien. Peut-être même fut-ce le seul moment où il avait réussi à penser à autre chose qu'à toute cette histoire.

Lorsque le procès commença, la famille Triogm était assise dans l'assemblée. Seul les parents de Wallace se trouvaient avec lui. Tous les trois étaient habillés correctement. Chemise cravate, et tout le tralala. Il fallait être digne. Le fils cadet était resté avec les grand-parents. Pas question qu'un bébé d'à peine un an ne soit présent dans cette salle. L'avocat aurait aimé qu'il soit là. C'était toujours un élément qui pouvait influencer le jury. Mais les parents de Wallace avaient refusé catégoriquement.

Un camarade de l'académicien fut appelé à la barre. Wallace le reconnut. Il était dans sa classe. Il faisait parti des premiers académiciens du gymnase à avoir été emmené dans la salle des professeurs. Son bras était toujours cassé, suite au mauvais traitement du Mackogneur. Les questions posées étaient difficiles à entendre. Pour le témoin, comme pour les membres de l'assemblée qui s'étaient trouvés là. Ce que Nigel dit, Wallace n'avait rien à modifier. C'était exactement ce qu'il s'était passé. Pourtant, l'avocat ne semblait pas d'accord avec un élément de l'affaire. Il désignait l'acte d'Eva comme indésiré. Il présentait l'agent non pas comme quelqu'un de coupable, mais comme une victime.

C'étaient des propos difficiles à entendre, et encore plus à accepter. La tête du rouquin tournait. Comment cet homme osait prononcer ces mots ? Son camarade ne semblait pas savoir comment répondre. Et il n'eut pas à le faire. L'avocat se chargeant de garder la parole à lui, et d'aligner ses coups verbaux. Nigel fut libéré, apparemment ébranlé par ce qu'il venait de vivre. Wallace n'avait pas le temps de craindre son tour, car celui-ci était arrivé. Il eut l'impression que son corps venait d'éclater de l'intérieur. Il se leva, et ignorant la foule qui le regardait, il se rapprocha de la barre des témoins. On lui demanda de se présenter, ce qu'il fit :

"Triogm, Wallace, 16 ans".

puis il promit de ne dire la vérité, et rien que la vérité. Il jeta un regard vers Eva Mayers. Il ne l'avait pas vu depuis l'accident. Elle était identique à la femme qu'il avait vu dans l'académie. Si ce n'était qu'elle semblait épuisée. Son regard commença à s'éclaircir d'un mélange de fureur, de colère, et d'incompréhension. Elle, une victime ? C'était impossible !

Un échange de regard qui fut bref entre Eva et Wallace. Celui-ci fut détourné par l'avocat de la défense qui demanda, comme précédemment au garçon, de raconter ce qu'il s'était passé. Wallace prit une inspiration, afin d'obtenir une voix claire et distincte sur ce qu'il allait raconter.

"Nous avons été réuni dans le gymnase. C'était l'heure du cours de sport, officiellement, et le professeur nous avait fait suer. Maintenant, je me rends compte que c'était pour nous rendre plus inoffensif, moins apte à nous défendre. Ensuite, les agents de la Team Rocket sont arrivés, et à l'aide de Mackogneur, nous ont obligé à rester immobile. Si l'un de nous bougeait, voir pleurait, il risquait une punition physique. Certains ont subi cette punition, puis ont été emmené en salle des professeurs. Nigel en faisait parti."

Wallace se tut, adressant un regard à son camarade. Il était pris par l'émotion, mais il la ravala afin de continuer son récit.

"J'ai ensuite compris que j'étais la cible de cette prise d'otage, lorsque le professeur de sport a demandé à mes camarades de me dénoncer. J'ignore s'ils savaient à quoi je ressemblais, ou s'ils voulaient simplement jouer de façon tordu. Ils ont promis la liberté à celui ou celle qui me dénoncerait, et l'hameçon a pris. J'ai été désigné par l'un de mes camarades, et emmené dans la salle des professeurs...

C'est là que se trouvait cet individu, qui s'était présenté comme Mastermind. D'autres agents Rockets, mes camarades, un camaréman, et l'agent Mayers. Le dirigeant de l'opération a commencé à parler à la télévision, narrant ses raisons d'être ici présent. Puis c'est à ce moment où j'ai reçu les coups."

La voix du rouquin s'embrumait au fur et à mesure qu'il approchait du moment fatidique. Il lui fut demandé de continuer son récit.

"Que s'est-il passé après ? Avez-vous entendu la suite de la conversation ?"

".... Non. J'étais assommé. J'étais ... simplement en train d'essayer de comprendre ce qu'il se passait, et je ... souhaitais ne pas mourir ici."

Wallace avait des difficultés à contenir ses émotions. Il prenait des pauses de une à deux secondes, afin de retrouver le contrôle de lui-même. Il ne voulait surtout pas craquer devant tout ce monde. Mais révéler ce qu'il avait ressenti devant tous ces gens. C'était une épreuve atroce. L'avocat de la défense reprit la parole.

"Vous n'étiez donc pas en mesure de juger la réaction d'Eva Mayers suite au malheureux traitement que vous avez reçu. Cependant, selon les faits, vous vous êtes ensuite sauvé en courant de la salle des professeurs, malgré votre état. Comment ? Et pourquoi ?"

Wallace ravala sa colère. L'homme qui se trouvait devant lui semblait vouloir réclamer des comptes. Ce n'était pourtant pas le lieu, ni le moment. Le rouquin garda son calme, difficilement, essayant de rester digne.

"C'est ... flou. Tout s'est passé vite. Tout le monde a commencé à se battre, à se sauver, et à paniquer. J'ai réussi à me relever, et la seule chose auquel j'ai pensé, ça a été de m'enfuir, et de rejoindre mes Pokemon. C'était la seule idée que j'avais en tête."

"Poursuivez, que s'est-il passé ensuite."

"J'ai été suivi par ce ... professeur de sport. Je n'ai jamais connu le vrai nom de ce gars. Je me souviens avoir été plaqué par terre, je crois ... et ... il a commencé à vouloir jouer avec moi. Il voulait faire un ... match officiel, ou je ne sais plus quoi. Mais si je refusais, il ordonnait à son Mackogneur de me tuer."

L'avocat prit ainsi la parole.

"Et qui vous a défendu à ce moment là ?"

"Nestor, mon Cheti ... euh, mon Boustiflor. Il a évolué pendant le combat. Je crois."

"Vous ne semblez pas sur de vous."

"Je me suis réveillé dans l'ambulance. Je ne sais plus à quel moment j'ai perdu connaissance."

"On ne vous a pas dit que le Demolosse de l'agent Mayers vous a protégé tout du long. Sauf lorsque vous avez cherché à lui fausser compagnie. Pourquoi ne pas en avoir parlé."

"Je ... je ne m'en souviens pas. Tout était .... confus."

"Ainsi vous êtes violenté par l'agent Mayers qui, selon la vidéo, semble tout à fait stupéfait de son acte. Elle essaie de vous protéger ensuite avec son propre Pokemon, quitte à se mettre elle-même en danger. De votre coté, vous cherchez à éviter son Pokemon par tous les moyens possibles, quitte à vous mettre vous même en danger. Et à présent, vous ne faites aucune mention de l'aide que ma cliente vous a offerte. Si vous aviez été filmé à cet instant, j'oserais dire que votre comportement est tout à fait suspect."

"Objection votre honneur !"

"Accordé. Monsieur Brown, votre dernier point est rejeté. Mr Triogm n'est pas sur le banc des accusés mais en qualité de témoin."

L'avocat de l'accusation prit cette fois la parole. Brown avait fait fort, parvenant en soutenant sa tirade, que le témoin pouvait très bien tremper dans une machination perfide, voir être coupable dans la mise à l'échafaud d'Eva. C'était faux, bien entendu, mais le but était de faire douter les jurés. L'avocat de l'accusation était prêt à retourner cela.

"Monsieur Triogm, j'aimerais que vous me parliez à nouveau, mais en détail, le moment où Eva Mayers vous a violenté. Où a t'elle frappé ? Mais surtout, a t'elle fait semblant ?"

"..... Elle n'a pas fait semblant. Mastermind parlait de punition, et soudainement, l'agent m'a frappé. Je me souviens du choc, parce que je n'ai pas compris ce qu'il s'était passé sur l'instant. Je me souviens juste avoir vu M.Mayers me donner de nouveaux coups au visage et au torse. Lorsque je me suis retrouvé par terre, elle a continué en me donnant des coups de pieds. Aucun coup n'était acté, elle frappait pour faire mal."

"Je vois, et c'est ce que la vidéo nous a révélé. Une femme sans vergogne, ayant jusqu'ici caché son jeu. S'étant caché derrière le masque d'un défenseur de la justice. Enfin, c'est lorsqu'elle s'est retrouvée avec ses complices que l'agent a révélé son vrai visage, et commencé à violenter les otages. Seul le moment où elle a réalisé qu'elle était filmée dans son acte, et en direct, que son visage s'est laissé surprendre. La seconde suivante, il était temps de rectifier son erreur de stratégie, et d'enfiler à nouveau son costume de justicière."

"Objection ! L'avocat interprète les faits."

"Accepté."

"J'aimerais à présent revenir sur les derniers énoncés de Monsieur Brown, et défendre les intérêts de notre témoin. Monsieur Wallace venait d'être pris en otage, pris pour cible par des membres d'une organisation criminelle, trahi par ses camarades, par ses professeurs, trahi par une représentante de la loi, violenté. Comment voulez-vous que ce jeune homme n'ait, au moment du chaos énoncé plus tôt, n'eut d'autres idées que de rejoindre les seuls êtres à qui il pouvait encore faire confiance, ses propres Pokemon, et non pas à la créature, rappelons le, un Demolosse, appartenant à celle même qui l'a violenté. Quiconque soumis à une telle pression aurait agi de la sorte. Cela ne fait pas de monsieur Triogm un quelconque manipulateur."

Modération:
A vous

Wallace avait continué de suivre le procès avec ses parents. Cela avait été dur, notamment parce que les journalistes ne l'avaient pas épargné la veille. Certains avaient pris à parti les dires de la défense lorsqu'ils avaient sous-entendu que les actions de Wallace étaient louches. Nul doute que ces propos seraient usés et détournés pour la presse à scandale. D'autres lui demandaient simplement ce qu'il avait pensé de ces accusations, ou de comment le tribunal avait évolué. Le rouquin avait refusé de répondre aux questions. Épuise, il était parti se coucher immédiatement. Ses parents et grands-parents n'insistèrent pas deux fois lorsqu'ils lui conseillèrent de manger un morceau. Le gosse en avait gros sur la patate, autant le laisser se reposer. Au matin, il était hors de question qu'il ne mange pas. Malgré son rechignement à ne pas manger une miette, son grand-père l'obligea, quitte à l’empêcher de quitter la table s'il ne se nourrissait pas convenablement. A contre-cœur, Wallace s'était servi des tartines et du café. Il refusa le jus d'orange de sa grand-mère, qui ne le força pas d'avantage.

L'arrivée au palais de justice fut aussi agitée que la première. Encore une fois, l'académicien ignora les journalistes. Il regretta de ne pas avoir suivi les conseils de sa cousine Jazi. Mettre des bouchons d'oreilles pour ne pas entendre les stupides questions qui sortaient de la bouche de ces vautours. Wallace n'aurait pas à témoigner cette fois-ci. Mais il se devait d'être présent dans l'assemblée. Eva Mayers dut répondre aux questions de l'avocat de l'accusation, qui avait fait son travail. L'homme ressortit des vieux dossiers. Ainsi la jeune femme avait eu des démêlés avec la justice pour avoir défendu un homme du nom de Lannyser. Un nom qui vibra aux oreilles de Wallace. Il n'avait jamais évoqué cette personne à ses parents, mais le rouquin connaissait un Archibald Lannyser. C'était à lui que l'adolescent devait d'avoir surmonté sa phobie des spectres. Ainsi Eva et lui se connaissaient. Cela expliquait la présence de cet homme au sein de la Tour Chetiflor à cette époque. Wallace avait toujours su que cet individu avait un passé louche et lourd. La brume semblait révéler quelques fragments du passé de cet homme. Malgré tout, Wallace ne parvenait pas à concevoir Archibald comme une mauvaise personne. Il le voyait comme un mentor. Sa tête lui tournait à présent. Il réfléchissait à deux individus qui s'étaient cotoyés, entraidés : Eva et Archibald. Mais que Wallace appréhendait de façons totalement différentes. Le respect pour l'un, la crainte pour l'autre.

Au final, le garçon n'avait saisi que la moitié de la conversation. Eva s'était plutôt bien défendu. Elle avait accepté le tribut d'avoir aidé Archibald. Son nom était déjà sali, dans le Kantô en tout cas. Le procès continua, laissant la parole à un policier qui s'était trouvé sur les lieux du crime, puis au jeune homme qui avait tenu la caméra durant toute cette affaire. Wallace n'avait plus entendu parler de ce garçon après l'affaire. Il avait eu bien d'autres choses en tête. Sa tête lui disait quelque chose, comme s'il l'avait rencontré par le passé, hors de cette affaire de prise d'otages. Damian Mills ... cela sonnait comme familier. Mais impossible de mettre le doigt dessus. Ce jeune homme avait été menotté. Pour quelle raison ? Personne ne l'ignorait, mais tout le monde imagina le pire. La réponse la plus commune fut que ce garçon était lui aussi complice d'Eva Mayers et de la Team Rocket. Les gens allaient si vite à trouver des réponses toutes faites.

Le garçon appuya le témoignage d'Eva Mayers et du policier. Nombreux avaient vu des agents être manipulés à l'aide de pouvoirs psys. C'était un concept si étrange que peu de personnes n'osaient y croire. Pourtant, il fallait se rendre à l'évidence. Plusieurs témoignages concordaient. La manipulation mentale était possible. C'était là une idée terrifiante, si bien que beaucoup préféreraient garder la tête sous terre. Wallace n'appartenait pas à ces personnes. Il en avait assez vu, et vécu, pour accepter une telle théorie.

Lorsqu'Eva Mayers eut fini de se défendre, la parole lui fut enfin donnée. Elle s'adressa à Wallace qui ne s'attendait pas à cela. Elle lui présentait des excuses officielles, et en apparence sincères. Le garçon ne savait quoi penser de tout cela. Il avait une dent contre cette femme. Parce que le simple fait de la voir, était douloureux. Douloureux parce qu'elle lui rappelait un moment de peur, et de douleur. Ce serait tellement plus simple qu'elle soit jugée coupable. Alors il aurait le droit de la détester sans se sentir mal, et lui-même coupable. Pour l'instant, une part de lui lui soufflait qu'elle avait raison. Que ce qu'il s'était passé avait échappé à sa propre perception. Qu'elle était victime, elle aussi. Mais c'était encore trop tôt. Il ne répondit pas. Il la regarda, l'écouta, mais ne répondit pas. Ça lui était impossible.

Il écouta ses propos jusqu'au bout. Sa pensée alternait. Si elle était sincère, alors que faisait-elle là ? Eva Mayers était la plus grande héroïne du pays, et ce procès n'était qu'un moyen ignoble de lui mettre des bâtons dans les roues. Mais si elle mentait, alors c'était horrible. Cela signifiait qu'Eva Mayers était la plus grande manipulatrice du pays, et qu'elle était parvenue à se déjouer de ce procès dans les règles de l'art. C'était un sujet trop compliqué à analyser pour un adolescent de seize ans qui ne pouvait pas se placer objectivement.